Ferries transmanche : fausses promesses, vraies menaces26/07/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/07/2869.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Ferries transmanche : fausses promesses, vraies menaces

Les ministres de la Mer français et britannique ont signé le 24 juillet un accord avec les représentants de quatre compagnies de ferries de la Manche. Le texte stipule que les armateurs doivent proposer des « emplois durables et de bonne qualité ».

Les signataires, armateurs et ministres, prétendent répondre ainsi aux craintes des marins et du personnel des ferries, après les 800 licenciements de la compagnie P & O. En mars 2022, cet armateur avait jeté dehors le personnel embauché aux conditions britanniques, pour le remplacer immédiatement par des travailleurs payés aux conditions internationales, généralement pratiquées dans la marine marchande sous pavillon de complaisance. Le salaire minimum était ainsi divisé par trois, le temps de travail quotidien et la durée d’embarquement prolongés, les repos à terre n’étaient plus payés.

Sous couvert de défendre les conditions de vie des marins et la sécurité des passagers, les autres armateurs et les autorités politiques tant britanniques que françaises élevèrent alors de solennelles protestations. Contre ce dumping social, les députés britanniques ont ainsi voté en mars l’obligation du salaire minimum de leur pays sur les ferries qui le desservent. Les députés et sénateurs français ont fait de même, à l’unanimité qui plus est, en juillet. L’accord du 24 juillet serait donc venu couronner ce monument de politique sociale et de défense des équipages.

En fait, la loi votée à Londres n’est toujours pas en vigueur et nul ne sait si elle le sera un jour. La loi votée à Paris ne contient que des promesses de discussions et aucun engagement contraignant, de même bien entendu que l’accord avec les armateurs. Les deux compagnies, dont P & O, qui emploient des marins travaillant à la tâche, sans garantie et sans limite, ne sont pas signataires, ce qui n’empêche pas leurs navires d’aborder plusieurs fois par jour en France comme en Grande-Bretagne et en Irlande.

Les armateurs, les États et les Parlements ont, en quelques dizaines d’années, transformé la quasi-totalité des marins du commerce en travailleurs ubérisés avant la lettre. Il restait l’exception notable des marins des ferries transmanche et, plus généralement, des lignes intérieures de chaque pays européen. P & O s’est chargé l’an passé de battre cela en brèche, les autres armateurs vont poursuivre. Croire à leurs promesses, c’est écouter le chant des sirènes.

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