Santé : malade de la finance12/07/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/07/2867.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Santé : malade de la finance

Dans une interview du 10 juillet au journal Les Echos, Thomas Fatôme, directeur de l’Assurance maladie (la CNAM), « alerte sur la financiarisation du secteur de la santé », avant de prévoir de s’en prendre concrètement aux assurés et aux travailleurs.

Depuis une vingtaine d’années, la mise en coupe réglée de la santé par des fonds financiers progresse comme un cancer. Elle a commencé avec l’explosion de la dette des hôpitaux quand l’État leur a imposé d’être « rentables » et d’emprunter pour financer leurs investissements. Mais tout le secteur semble y passer. Après nombre de cliniques privées et d’Ehpad, ce sont les laboratoires de biologie médicale et les centres dentaires qui ont été rachetés par des fonds financiers. La radiologie est maintenant dans leur viseur. Des fonds comme Ardian (ex-AXA, 130 milliards de capitaux gérés), Eurazeo (familles Decaux et Weil, 32 milliards), Rothschild & Co. (104 milliards) achètent à tour de bras les sociétés d’imagerie médicale qui étaient jusque-là entre les mains de médecins et de praticiens.

Ce qui attire les financiers est non seulement la rentabilité élevée du secteur, son fort potentiel de croissance mais aussi la garantie de l’État, qui au travers de la Sécurité sociale paye rubis sur l’ongle. Il est proposé aux praticiens de leur racheter leurs sociétés à des prix tellement élevés que peu d’entre eux refusent, d’autant plus que les fonds, tout en prenant leur part des bénéfices, leur permettent de rester à la tête des sociétés pour les faire fonctionner.

Dans la biologie médicale, le processus de financiarisation, qui s’est amplifié à partir de 2010, est semble-t-il arrivé à maturité : 12 réseaux de biologie médicale exploitent maintenant 72 % des laboratoires. Le grand capital, en quête de nouveaux secteurs rentables, a mis la main sur le secteur et l’a concentré. Il s’assure ainsi d’un pouvoir de négociation important, que les laboratoires de biologie n’ont pas hésité à employer dans leurs « grèves » cette année et l’année précédente dans le cadre de la négociation de leurs tarifs avec la CNAM.

Thomas Fatôme déplore cette financiarisation qui a, selon lui, rendu les discussions avec les laboratoires « très compliquées ». Il est donc plus simple pour l’Assurance maladie de faire des économies sur le dos des assurés : déremboursement de médicaments, forfait hospitalier, ticket modérateur sur les consultations, transfert de charges sur les complémentaires prélevées sur les salaires, et maintenant remise en cause des arrêts de travail. Thomas Fatôme a confirmé cette offensive dans son interview aux Echos, accusant de fait les salariés malades d’être des profiteurs et les médecins des complices.

Forte avec les faibles et faible avec la finance, la Sécurité sociale se comporte en poule aux œufs d’or pour bien des capitalistes.

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