Sénégal : Macky Sall s’en va, pas la colère05/07/20232023Journal/medias/journalarticle/images/2023/07/Senegal.png.420x236_q85_box-0%2C36%2C800%2C485_crop_detail.jpg

Dans le monde

Sénégal : Macky Sall s’en va, pas la colère

Macky Sall, le président du Sénégal, a annoncé le 3 juillet qu’il ne se présenterait pas aux élections de février 2024. Il déblayait depuis des années la voie pour son troisième mandat, mais les sanglantes émeutes qui ont eu lieu en juin dernier et la pression des grandes puissances ont eu raison de son obstination.

Illustration - Macky Sall s’en va,  pas la colère

Ces émeutes ont fait officiellement 16 morts. Elles ont éclaté à l’occasion du procès d’Ousmane Sonko, le principal opposant à Macky Sall, accusé de viol. Ousmane Sonko a gagné une popularité certaine, notamment dans la jeunesse, par son combat contre la corruption et sa dénonciation de la mainmise de l’impérialisme français sur le Sénégal, et Macky Sall cherche depuis des années à se débarrasser de lui. En mars 2021 déjà Sonko avait été accusé de viol. Il s’en était alors suivi cinq jours d’affrontements entre ses partisans et les forces de répression, pendant lesquels 14 personnes, dont trois mineurs, avaient été tués. Le procès avait finalement été reporté, pour se tenir en juin 2023. Depuis février dernier, les affrontements se sont succédé dans plusieurs grandes villes du pays, dont la capitale Dakar, jusqu’à l’explosion finale qui a eu lieu le 1er juin à l’annonce du verdict. Celui-ci lavait Sonko de l’accusation de viol, mais le condamnait à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », lui interdisant de se présenter aux élections de 2024. Dans ces conditions, l’annonce par Macky Sall de sa candidature en 2024 aurait immanquablement provoqué une nouvelle explosion de colère, Ousmane Sonko ayant d’avance appelé ses partisans à manifester pour « finir le combat ».

Si Sonko est populaire, tous ceux qui descendent dans la rue ne sont pas pour autant ses partisans. Beaucoup le font simplement pour crier leur haine d’un gouvernement qui est sourd à leur détresse. Les conditions de vie, déjà bien difficiles, n’ont cessé de s’aggraver suite à la flambée des prix consécutive à la crise du Covid en 2019, puis à celle qui a déferlé sur tous les pays pauvres avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. Face à ce désastre frappant la population pauvre, Macky Sall n’a fait que multiplier les promesses non tenues. Telle est la cause profonde de l’explosion de colère qui secoue le pays, et que craignent aussi bien les dirigeants sénégalais que ceux des grandes puissances qui pillent les richesses du pays. Le dimanche précédant l’annonce de son retrait, Emmanuel Macron avait téléphoné à Macky Sall pour lui dire, selon le journal Jeune Afrique, que « la France pourrait l’appuyer s’il décidait de se tourner vers d’autres horizons à l’issue de son actuel mandat », une manière de l’inciter à jeter l’éponge.

Rien ne dit cependant que ce retrait suffira. Ousmane Sonko reste pour l’instant interdit de se présenter en 2024, et cela pourrait bien être le détonateur de nouvelles explosions sociales. Mais surtout la situation dramatique dans laquelle vivent les travailleurs sénégalais demeure, et ne peut que s’aggraver encore avec la crise qui s’approfondit partout dans le monde. Pour y résister, ils ne peuvent compter sur aucun des candidats à la présidence qui vont se déclarer, ni même sur Sonko lui-même car, au-delà de ses déclarations, celui-ci ne pourra que poursuivre la même politique en faveur des couches privilégies du Sénégal et des bourgeoisies impérialistes. Pour s’opposer à cette descente vers toujours plus de misère, les travailleurs ne peuvent compter que sur leur capacité à s’organiser et à prendre en main leur propre destin.

Partager