Liberté de la presse : au bon vouloir des actionnaires28/06/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/06/une.jpg.445x577_q85_box-3%2C0%2C665%2C858_crop_detail.jpg

Leur société

Liberté de la presse : au bon vouloir des actionnaires

Les journalistes du Journal du dimanche ont décidé la grève, à la quasi-unanimité, contre l’arrivée de leur futur directeur de rédaction, le journaliste d’extrême droite Geoffroy Lejeune. Cette grève a empêché la parution du journal le 25 juin.

Geoffroy Lejeune était le rédacteur en chef de Valeurs Actuelles, un hebdomadaire ayant ouvertement fait campagne pour Éric Zemmour. Ce journal avait aussi publié en avril 2021 une tribune d’une vingtaine de généraux en retraite qui laissait planer la menace d’un putsch de l’armée pour rétablir l’ordre contre les « hordes de banlieue ». Publiée soixante ans jour pour jour après le putsch des généraux à Alger le 21 avril 1961, cette provocation était significative des orientations politiques de ce journal et de son ancien directeur.

Mais, si Geoffroy Lejeune vient d’être nommé à la tête du JDD, c’est parce que le milliardaire Bolloré, lui aussi soutien de Zemmour, a pris possession du groupe Lagardère, propriétaire du JDD. Il y a quelques années déjà, Bolloré avait mis la main sur le groupe Canal+ et transformé sa chaîne d’information, i-Télé devenue CNEWS, en un repaire de journalistes d’extrême droite… ou de droite extrême. Des mobilisations avaient déjà rassemblé des journalistes et des salariés de ces chaînes contre cette politique mais cela s’était conclu par le licenciement ou le départ d’une bonne partie d’entre eux. Cela fait donc un moment que Bolloré, ce grand bourgeois qui a fait fortune en mettant la main sur l’exploitation de nombreux grands ports maritimes d’Afrique de l’Ouest ou encore grâce à l’obtention de marchés publics comme ceux d’Autolib, a décidé d’utiliser une partie de sa fortune pour se créer un empire médiatique qui lui rapporte beaucoup et en même temps lui permet de promouvoir les idées d’extrême droite.

Cela choque, et à juste titre. Mais Bolloré n’est pas une exception. La presse entière ou presque est détenue par de grandes familles bourgeoises. Les chaînes du groupe TF1, dont LCI, appartiennent à la famille Bouygues. Celles du groupe RMC-BFMTV sont la propriété du milliardaire Patrick Drahi. Le Monde est possédé par Xavier Niel, propriétaire de Free ; le Figaro l’est par le groupe Dassault ; le Parisien, Aujourd’hui en France et Les Echos appartiennent à LVMH, propriété de Bernard Arnault. Et ces actionnaires contrôlent leurs médias tout autant que Bolloré, même s’ils ne le font pas de façon aussi brutale, en mettant en avant une propagande aussi réactionnaire. Xavier Niel l’avait avoué, il y a quelques années, à un journaliste qui l’interviewait : « quand les journaux m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite, ils me foutent la paix. »

Il n’existe pas de réelle liberté de la presse. Même si les différents journaux ou médias peuvent avoir des colorations politiques différentes, ils ont tous en commun un parti pris pour l’ordre établi et fondamentalement du côté du grand patronat. Leur parti pris est flagrant lors des grèves ouvrières ou encore quand ils relaient la propagande pro-occidentale actuelle à propos de la guerre en Ukraine. Les médias sont une arme dans la lutte de classe pour la bourgeoisie, à qui la sacro-sainte propriété privée donne tous les droits. La liberté de la presse commencera lorsque les travailleurs réussiront à exproprier les capitalistes qui en sont les propriétaires.

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