Grèce : les frontières tuent21/06/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/06/2864.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grèce : les frontières tuent

Dans la nuit du mardi 13 juin, un vieux bateau de pêche surchargé, transportant plus de 700 migrants, a fait naufrage en Méditerranée, au large du Péloponnèse.

Une centaine de survivants, une centaine de corps retrouvés et 500 disparus, dont beaucoup de femmes et d’enfants entassés à l’intérieur du bateau : c’est le naufrage le plus meurtrier depuis des années.

Ce drame est surtout le résultat d’une politique délibérée, un crime dont les auteurs sont, bien au-delà des passeurs, les gouvernements européens et leur législation contre les migrants.

Tous sont responsables et coupables, à commencer par les autorités grecques. Les responsables de la garde côtière ont commencé par récuser « toute erreur opérationnelle dans la recherche et le sauvetage » et par affirmer que les migrants avaient refusé leur aide et voulaient continuer leur route vers l’­Italie. Or, selon une analyse de la circulation dans la zone rapportée par la presse, le bateau serait resté plusieurs heures au même endroit avant de couler en pleine nuit, en dix à quinze minutes.

Comment croire, à la vue de l’entassement sur le bateau, que ses passagers n’avaient pas besoin d’aide ?

On ne saura peut-être pas ce qui s’est passé exactement, mais le gouvernement grec a soutenu officiellement cette version, se contentant de déplorer l’événement et d’annoncer trois jours de deuil national, suprême hypocrisie de sa part, sans doute pour calmer l’émotion dans la population et les critiques, en pleine campagne pour le second tour des élections législatives.

Le gouvernement s’en est pris aussi aux prétendus passeurs : neuf rescapés ont été arrêtés et devaient être présentés au tribunal le 19 juin. Coupables ou non ? Et de quoi exactement ? Cela aussi va occuper les médias et une partie de l’opinion.

Le chef du gouvernement grec, Mitsotakis, ne fait qu’appliquer avec un zèle appuyé, comme Meloni en Italie et bien d’autres politiciens proches de l’extrême droite, les mesures prises par l’Union européenne et les accords conclus par les uns et les autres.

Pour les dirigeants des pays riches de l’Europe, il s’agit de se protéger de l’afflux des pauvres. Ils voudraient faire faire le sale travail par d’autres pays, du sud, moins riches, les payer pour dresser des murs et construire des camps, en mettant sur pied Frontex, une agence de surveillance des frontières plus connue pour fermer les yeux sur les push-back, ces renvois illégaux de migrants, que pour son aide à sauver des vies : tout cela, c’est leur œuvre criminelle.

Il reste le désespoir des rares survivants, des parents des victimes, au pays ou installés en Europe, car beaucoup de victimes allaient rejoindre un proche installé en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne. Il reste des milliers de morts : depuis 2014, près de 34 000 personnes ont disparu en Méditerranée, selon l’Office international pour les migrations (OIM).

Il reste surtout la colère de tous ceux qui, en Grèce et ailleurs, pensent qu’un monde de libre circulation pour tous, quelle que soit son origine, serait le seul vivable : un monde débarrassé des frontières et du système qui les a créées et qui les maintient.

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