Chine : le régime contesté30/11/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/11/2835.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chine : le régime contesté

En Chine, le week-end des 26 et 27 novembre, prenant en quelque sorte le relais de la révolte des ouvriers de Foxconn, des milliers de manifestants dans au moins une dizaine de villes et dans les universités ont protesté non seulement contre la politique de confinement du gouvernement mais aussi contre sa dictature.

C’est la mort de dix personnes dans un immeuble en feu à Urumqi, la capitale ouïghoure du Xinjiang, qui a donné une nouvelle impulsion à ce mouvement de protestation. Comme en ce moment des dizaines de millions de Chinois, les habitants d’Urumqi sont confinés, et depuis plus de cent jours. Les restrictions sanitaires sont telles que les autorités enchaînent les portes des immeubles pour les empêcher de sortir. Pour nombre de Chinois, ce sont ces obstacles à l’arrivée des secours qui ont causé la mort des dix résidents de l’immeuble. Après l’incendie, des milliers de personnes, révoltées, sont descendues dans les rues d’Urumqi, obligeant le gouvernement local à annoncer un allègement des contraintes.

Le gouvernement chinois semble être dans une impasse. Il tient à sa politique zéro-Covid faite de confinements cyniques et brutaux, qu’il impose avec ses traditions autoritaires, parce que l’épidémie de coronavirus repart à la hausse alors que les anciens ne sont que très peu et très mal vaccinés. S’ils étaient décimés par la maladie, cela poserait d’autres problèmes politiques au pouvoir. Mais la contestation va maintenant au-delà de la politique zéro-Covid. Comme une goutte d’eau faisant déborder un vase trop plein, le drame d’Urumqi a soulevé des centaines de manifestants dans de grandes villes comme Pékin ou Canton, voire des milliers à Shanghai, et dans les universités. Les manifestants ont bravé le régime et sa police, brandissant des pages blanches contre la dictature, chantant l’Internationale ou l’hymne chinois qui commence par « Debout ! les gens qui ne veulent plus être des esclaves », et criant des slogans comme « Xi Jinping démission » et « À bas le Parti communiste chinois ».

Tout cela souligne la crise que traverse la société, y compris des couches de la petite bourgeoisie, les travailleurs intellectuels ou ceux qui aspiraient à s’élever socialement. Le développement économique, qui pouvait faire miroiter à la jeunesse qu’elle pourrait s’enrichir, est en berne. Le chômage, en particulier chez les jeunes diplômés, s’est envolé. La crise de l’immobilier est une catastrophe pour ceux qui avait investi dans un appartement comme une assurance pour leur vieillesse. À cela s’ajoute l’inquiétude d’une partie de la jeunesse face à la montée des tensions avec les États-Unis, ou aux discours nationalistes et va-t-en-guerre du pouvoir à propos de Taïwan.

Des jeunes, souvent décrits jusque-là comme résignés et individualistes, font là la première manifestation de leur vie. Ces manifestations, qui se sont déroulées à l’échelle de tout le pays, sont une première depuis 1989 et la révolte alors écrasée dans le sang sur la place Tiananmen. Elles ont été précédées par des protestations des ouvriers encasernés dans les usines-prisons quelques jours auparavant. Xi Jinping, qui lors du XXe congrès du PCC a voulu s’affirmer comme le seul maître de la politique chinoise, devient naturellement leur cible.

Dimanche 27 et lundi 28 novembre, le gouvernement a fait arrêter de nombreux manifestants. Lundi 28, il a fait occuper les lieux de manifestation pour interdire tout rassemblement. La censure sur les réseaux sociaux s’est réaffirmée. Le pouvoir essaie de refermer le couvercle. Mais, face à la jeunesse dont l’avenir est bouché et surtout face à la classe ouvrière chinoise, forte de centaines de millions de travailleurs organisés dans des usines géantes, et qui seuls auraient les moyens d’offrir une perspective à la révolte, il n’est pas dit qu’il y parvienne

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