Une catastrophe prévisible20/07/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/07/2816.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Une catastrophe prévisible

Des dizaines de milliers d’habitants des régions touchées par les énormes feux de forêts ont perdu ou sont menacés de perdre leur lieu de résidence. Les pompiers, malgré leur courage et leur énergie, ont bien du mal à contenir l’avancée du feu, particulièrement dans la forêt des Landes, qui couvre plusieurs départements. Plusieurs d’entre eux ont déjà été gravement blessés.

Si ces incendies sont liés à la sécheresse et au dérèglement climatique, le manque de prévention et de moyens aggrave considérablement la situation. Les lois protégeant la propriété privée jouent aussi leur rôle.

Des feux gigantesques dans la forêt des Landes ne sont pas une nouveauté. Le plus terrible d’entre eux, à la fin août 1949, a entraîné le décès de 82 personnes et détruit 133 000 hectares de forêt sur un total de 630 000. Après ce traumatisme, la principale mesure préconisée à l’époque avait été le quadrillage complet de plusieurs centaines de milliers d’hectares par des pare-feu, des allées dépassant les 10 mètres de large.

Aujourd’hui, 28 000 propriétaires privés possèdent 90 % de cette forêt qui, avec 27 % de la production, est la plus grosse contributrice au marché du bois en France. Mais les gros propriétaires, ceux qui possèdent plus de 100 hectares de forêts, ont la main sur la moitié des surfaces des massifs exploités, ce qui va à l’encontre des mesures de prévention nécessaires. Les propriétaires s’opposent souvent au tracé de pare-feu qui empiétent sur leur parcelle, et donc sur leurs profits.

Les seules obligations des propriétaires privés, renouvelées dans le dossier de prévention et de lutte contre les incendies édité par le ministère de l’Intérieur en 2021, et loin d’être toujours respectées, sont le débroussaillement des zones bordant les propriétés et les installations commerciales ou industrielles. Récemment, les pompiers se sont plaints que des allées d’accès dans les forêts n’étaient pas assez larges pour leurs camions-pompes.

Les moyens matériels de lutte contre l’incendie sont loin de correspondre aux besoins, alors que tout laissait prévoir l’aggravation du risque d’incendie dans les massifs forestiers. Les plus grandes pelleteuses, qui seraient capables de créer des trouées dans les massifs pour empêcher la propagation du feu, existent... mais pas pour les pompiers. Les grandes sociétés de travaux publics en possèdent des centaines, de même que la gendarmerie, la police nationale et les CRS. Le parc a été agrandi après 1968, car ces moyens peuvent servir à enfoncer des murs d’usines occupées ou à détruire des barricades et autres obstacles installés par des manifestants. Ils sont donc bien là, stockés, entretenus et remplacés régulièrement au fil des ans. La sécurité de l’ordre capitaliste autorise toutes les dépenses.

Il en est de même des moyens aériens de lutte contre les incendies et notamment des Canadair. Les gouvernements français, prêts à verser des dizaines de milliards pour soutenir l’industrie aéronautique, n’ont jamais trouvé utile de faire fabriquer de tels avions de lutte contre les incendies. La France possède, en tout et pour tout, 12 canadairs, dont 9 seulement en état de marche et qui ne peuvent fonctionner que 8 heures par jour par manque de pilotes. Il est vrai qu’elle dispose aussi de 5 avions DASH, qui projettent d’assez loin des retardateurs de feu, et de 19 hélicoptères bombardiers d’eau, mais utiles seulement pour les petits feux naissants. C’est dérisoire, même si les ministres se vantent en déclarant que c’est la plus grande flotte de Canadair d’Europe. Rappelons que l’armée française possède 211 avions de combat et qu’un Rafale sans son équipement coûte le double d’un Canadair.

À toutes ces déficiences s’ajoute la faiblesse des effectifs de pompiers sur le terrain. En avril dernier, ceux des Landes étaient en grève et manifestaient pour se plaindre de se retrouver à 33 la nuit pour couvrir tout le département : « En 2010, dénonçaient-ils, il y avait 300 pompiers pour couvrir 23 000 interventions. Aujourd’hui nous sommes 298 alors que nous avons dépassé les 34 000 interventions. » En plus de la lutte contre les incendies, les pompiers assurent toute une série de missions, dont de plus en plus celles normalement dévolues aux SAMU. Le budget global des centres de pompiers (professionnels, dépendant de l’armée ou volontaires) pour la protection des populations était en 2020 de 5,169 milliards d’euros, pris en charge en quasi-totalité par les départements. Le budget des armées pour 2021 était de 39,2 milliards, 41 milliards prévus en 2022, pour la protection...des intérêts de l’impérialisme français et de sa poignée de milliardaires.

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