Paraquat : un herbicide hypertoxique07/04/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/04/2749.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Paraquat : un herbicide hypertoxique

Le paraquat est un herbicide tellement dangereux pour l’homme qu’il suffit d’en ingérer une cuillère à café pour mourir dans les jours suivants, et qu’il devrait être interdit partout et depuis longtemps.

Commercialisé depuis 1961, ce produit serait à l’origine de plus de 100 000 morts. Il est bien souvent utilisé pour se suicider par des agriculteurs poussés au désespoir, en Inde et dans d’autres pays pauvres, mais il provoque aussi des accidents impliquant des enfants, qui le confondent avec un soda. Pourtant, il n’a été interdit en Europe qu’en 2007, et il est toujours autorisé aux États-Unis et dans la plupart des pays pauvres, où son faible coût en fait l’un des herbicides les plus courants.

Imperial Chemical Industry (ICI), le trust agrochimique qui l’a mis sur le marché, a réussi à différer son interdiction globale par la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation) en ajoutant un agent vomitif à la matière active désherbante. D’après le fabricant, ce vomitif permettrait d’expulser le produit assez rapidement après ingestion, pour éviter qu’il pénètre dans le sang et conduise à la mort par insuffisance respiratoire. Mais, grâce à un ingénieur de l’entreprise devenu lanceur d’alerte et à une ONG qui a consulté des centaines de documents internes, on sait aujourd’hui que le trust agrochimique a menti sciemment pour continuer à vendre son herbicide.

L’étude scientifique de 1976, qui concernait la quantité de vomitif à introduire et sur laquelle le fabricant se basait, était truquée, et les dirigeants de l’entreprise le savaient depuis le début. Il aurait fallu en effet mettre cinq à dix fois plus de vomitif pour qu’il soit efficace. Mais il n’en était pas question, car cela aurait augmenté les coûts de production, ce qui aurait « anéanti les bénéfices du groupe avec le paraquat au niveau mondial », comme l’expliquait un document interne datant de 1987.

Depuis la fin des années 1980, ICI a tout de même fait travailler des scientifiques sur des formules mieux dosées en vomitif et donc moins dangereuses, mais elle les a gardées en réserve pour les cas où elle serait « confrontée à une crise réglementaire » pouvant conduire à une interdiction du paraquat. Aujourd’hui encore, la formule hypertoxique des années 1970 est vendue massivement, en particulier dans les pays pauvres, et assure des bénéfices confortables à Syngenta, qui a racheté les activités pesticides d’ICI en 2000.

Syngenta persiste et signe, et se justifie en expliquant avec cynisme que « presque toutes les innovations modernes – bâtiments, ponts, chemins de fer, produits pharmaceutiques, automobiles, machines et produits phytosanitaires – ont été utilisées pour le suicide ». Et d’ajouter qu’il vaut mieux « se concentrer sur les problèmes de santé mentale, et non priver le monde de technologies utiles ».

Pour ce trust mondial au chiffre d’affaires de près de 13 milliards de dollars, 100 000 morts ne pèsent rien, en face du profit rapporté par ce poison !

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