RATP bus : fichier illégal et discrimination10/06/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/06/2706.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

RATP bus : fichier illégal et discrimination

Après la révélation de fichiers illégaux dans les dépôts de bus de Bords de Marne, Ivry-Lebrun, c’est maintenant à Croix-Nivert/Point-du-Jour qu’un tel fichier a fuité vers un syndicat. On peut donc s’attendre à ce qu’il y en ait dans tous les dépôts de bus.

Qu’y-a-t-il dans ces fichiers ? Pour chaque conducteur de bus sont notés les jours de grève, de maladie, d’accident de travail, les grossesses, les retards. Y figurent aussi la moindre protestation sur le manque de pause en terminus, un départ effectué en retard suite à une pause insuffisante, le non-port du badge de l’entreprise sur la chemise, etc. Le souci du détail et le nombre de faits liés au travail, enregistrés sur des années, montrent le soin, si l’on peut dire, que la direction met à surveiller les travailleurs.

À quoi servent ces fichiers ? Au département bus de la RATP un protocole réglemente la progression dans l’échelle des salaires. Passer au niveau supérieur représente une augmentation d’environ 70 euros. Ce passage se fait au choix de chaque direction locale. Ces fichiers servent à exclure des conducteurs de bus du passage de niveau. Le protocole oblige cependant la direction à informer l’agent concerné des motifs du refus ; les chefs ont donc multiplié dernièrement ces entretiens « d’appréciation et plan de progrès », où durant deux heures ils grossissent les reproches. Par exemple, même si le service juridique a estimé un conducteur non responsable d’un accident, le chef note « accident évitable » ou « manque d’anticipation ». Pour discriminer les agents malades ou grévistes, la direction a trouvé d’autres mots comme « participation à la production », « présentéisme ». Lors des entretiens « plan de progrès » cela peut donner : « Tu travailles bien mais tu ne travailles pas sur repos pour le dépôt » ; « tu manques d’implication dans les résultats du centre ». Cette pression pèse sur les travailleurs et vise ceux qui sont jugés récalcitrants ou pas assez productifs.

La RATP a répondu aux fuites en annonçant une enquête interne et l’affaire a coûté son poste au directeur du dépôt de Bords de Marne. Dans un de ses mails qui a fuité, il se félicitait de ne retenir que le critère de la « prod », se moquant même des chefs qui proposent des « agents top » et ne comprennent toujours pas que seule compte la production individuelle.

La révélation de ces fichiers a un côté gênant pour une entreprise qui a toujours tenu à apparaître comme un modèle en ressources humaines. La réalité est plus sordide, à l’image de toutes les directions d’entreprise qui augmentent par tous les moyens la pression sur les travailleurs et la durée du travail.

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