France Télécom : une justice pas pressée20/06/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/06/2603.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

France Télécom : une justice pas pressée

Alors que soixante salariés de France Télécom s’étaient donné la mort entre 2006 et 2009, c’est seulement aujourd’hui que des juges d’instruction ont décidé d’envoyer devant un tribunal correctionnel le PDG de l’époque, Didier Lombard, et six de ses collaborateurs.

France Télécom, devenu Orange, a trouvé auprès de la justice les moyens de faire durer la procédure. À l’époque, de nombreux techniciens avaient été obligés de rédiger un CV avec lettre de motivation pour être candidats à des postes déqualifiés, avec des effectifs réduits, souvent à des dizaines de kilomètres de chez eux. Alors qu’ils gardaient leur statut de fonctionnaire, tout était fait pour les déstabiliser et les amener à quitter l’entreprise. La pression était considérable car le plan de France Télécom était de supprimer 22 000 emplois, un sur cinq, et d’organiser la mobilité forcée de plus de 10 000 travailleurs entre juin 2005 et décembre 2008.

« Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé (…). En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte », avait déclaré Didier Lombard lors d’une réunion de cadres dirigeants. Précisément, parmi les suicides rendus publics à l’été 2009, celui d’un technicien de Marseille était accompagné d’une lettre dénonçant « un management de la terreur ». Plusieurs médecins du travail avaient démissionné pour tirer la sonnette d’alarme. Suite à des alertes que la direction n’a pas prises en compte, une inspectrice du travail a désigné à la justice les dirigeants du groupe comme responsables de la mise en danger de la vie des salariés, ce qui était déjà le motif d’une plainte déposée par le syndicat SUD.

Pour toute réponse au climat d’anxiété, Lombard avait parlé à la télévision de « la mode des suicides ». Cela lui avait valu d’être poussé vers la sortie en mars 2011, au profit du PDG actuel, Stéphane Richard. Celui-ci avait été envoyé dès 2009 pour reprendre en main France Télécom alors qu’il était directeur de cabinet de la ministre de l’Économie de l’époque, Christine Lagarde. Une enquête judiciaire avait été ouverte en avril 2010.

Depuis, les dirigeants mis en cause ont bénéficié des services des avocats patronaux connaissant toutes les ficelles pour faire traîner les choses. « Il n’y a aucune accélération de la procédure », se félicitait France Télécom lors de la mise en examen de Lombard en juillet 2012. Il a fallu attendre encore six années supplémentaires pour que la tenue d’un procès soit décidée.

On parle d’une justice à deux vitesses. En effet, elle est particulièrement lente pout tout ce qui touche au sort et aux droits des travailleurs.

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