Arabie saoudite : coup de force du pouvoir15/11/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/11/2572.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Arabie saoudite : coup de force du pouvoir

Samedi 4 novembre, le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, « MBS » comme dit la presse, a organisé une purge au sommet de son État en faisant arrêter une cinquantaine de princes, de membres du clan du précédent souverain, d’anciens ministres et autres hommes d’affaires richissimes. Il a aussi de toute évidence orchestré la démission du Premier ministre libanais, Saad Hariri, annoncée le même jour en direct de la capitale saoudienne.

Les liens de la famille Hariri avec l’Arabie saoudite sont solides. Saad Hariri a la double nationalité, libanaise et saoudienne, et la fortune de son clan provient du secteur du BTP saoudien où il possède l’entreprise de construction Saudi Oger. Ces liens sont tels que le voyage de ­Hariri à Ryad le 4 novembre a été présenté par une partie de la presse comme une « convocation expresse » du Premier ministre libanais par le pouvoir saoudien au lendemain d’une entrevue de ce dernier avec le ministre des Affaires étrangères iranien. Le pouvoir saoudien ne manque certainement pas de moyens de pression sur Saad Hariri, et cette convocation expresse se serait transformée en une résidence forcée afin de s’assurer de sa démission et de sa succession à la tête du gouvernement libanais.

Dimanche 12 novembre, Hariri a répondu, en direct de Ryad, à une interview pour une télévision libanaise où il a assuré qu’il était libre de se déplacer comme il le souhaitait et qu’il serait de retour très bientôt dans son pays. Mais même ses partisans ont vu dans ces déclarations et dans l’attitude de leur leader lors de cette interview la confirmation qu’il subissait les pressions saoudiennes.

En poussant le Premier ministre libanais à la démission, le pouvoir saoudien veut remettre en cause l’équilibre des forces politiques en place au Liban depuis plusieurs années. Équilibre qui a permis au Hezbollah, le parti musulman chiite lié à l’Iran, d’accéder au pouvoir via un accord de gouvernement avec le mouvement musulman sunnite de Hariri, le Courant du futur. Depuis plusieurs mois, le pouvoir saoudien est passé à la vitesse supérieure dans sa diplomatie anti-iranienne. Il veut montrer que, dans ce qu’il considère être sa sphère d’influence, à savoir l’ensemble du monde arabe, il s’opposera à tous ceux qui se montrent complaisants envers son rival iranien, à commencer par ceux qu’il considère comme ses obligés.

Que ce soit à l’occasion du règlement politique qui est en train de se nouer en Syrie et en Irak avec le recul militaire de Daech, ou que ce soit au Yémen où l’armée saoudienne s’enlise, l’Arabie saoudite se trouve en face de forces qui s’appuient ou pourraient chercher un appui du côté de son rival iranien. Cela pourrait être le cas de la rébellion houthiste au Yémen. C’est aussi comme cela qu’il faut comprendre les tensions entre l’Arabie saoudite et le Qatar survenues ces derniers mois, le ­Qatar collaborant avec l’Iran pour l’exploitation d’un gigantesque gisement gazier dans le golfe Persique.

Les pressions saoudiennes réussiront-elles à déstabiliser le Liban, pays où l’équilibre des forces est fragile ? Dans sa déclaration de démission, Hariri a parlé du Hezbollah comme d’un État dans l’État. Et il est certain qu’au Liban, la paix est une paix armée entre les différentes milices, dont celles du Hezbollah. Mais, pour l’instant, toutes les parties ont intérêt à l’équilibre actuel. Et, à part quelques faucons prosaoudiens, toutes les forces politiques réclament le retour de Hariri et le maintien de celui-ci dans sa position de Premier ministre.

En déplacement en Arabie saoudite, Macron a prêché pour la stabilité car l’impérialisme français voudrait pouvoir faire des affaires avec toutes les parties en présence. Mais il n’est plus, et depuis longtemps, une puissance majeure dans cette région du monde, et les décisions prises aux États-Unis ont bien plus de poids. Or, ces derniers temps, les déclarations de Trump ont été nettement prosaoudiennes et anti-iraniennes, ce qui n’a pu qu’encourager le sinistre MBS dans ses intentions belliqueuses.

La politique de l’impérialisme au Moyen-Orient a toujours été d’attiser les rivalités entre puissances régionales pour assurer sa domination. Ces rivalités ont largement pesé dans la guerre en Syrie, qui a vu l’intervention par milices interposées de l’Arabie saoudite, de la Turquie et de l’Iran, sans parler de la Russie, des États-Unis et des autres puissances impérialistes. Au moment où ce conflit semble se terminer, les prétentions de MBS font craindre qu’elles ne débouchent sur un affrontement direct entre l’Arabie saoudite et l’Iran, au Liban ou ailleurs.

Au Moyen-Orient, la domination de l’impérialisme n’offre comme perspectives qu’un chaos éternellement recommencé.

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