Août-septembre : le putsch manqué de Kornilov23/08/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/08/2560.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Russie 1917 : la révolution au fil des semaines

Août-septembre : le putsch manqué de Kornilov

Le général Kornilov, nommé par Kerenski à la tête des armées, se proclame sauveur de la Sainte Russie, veut instaurer sa dictature et en finir avec la révolution. Il lui faut pour cela écarter Kerenski. Ce dernier, sachant ce qui l’attend, ne voit d’autre issue que d’appeler à l’aide le prolétariat de la capitale et ses organisations, y compris le Parti bolchevique. Sans attendre, les marins de Cronstadt, qui avaient débarqué à Petrograd pour faire face aux redoutables cosaques de la Division sauvage, commencent par sortir de prison Trotsky et d’autres dirigeants du Parti bolchevique. En 48 heures, ceux-ci vont coordonner la grève générale et la mobilisation des soviets contre le coup d’État. Le journaliste anglais Albert Rhyss Williams le relate dans son livre-témoignage À travers la révolution russe :

« La bourgeoisie, soutenue par les Alliés et l’état-major, était également déterminée à continuer la guerre. Elle en attendait trois choses : 1° La guerre continuerait à leur donner d’énormes profits basés sur les contrats passés avec l’armée. 2° En cas de victoire, elle leur donnerait comme part de butin les Détroits et Constantinople. 3° Elle leur donnerait une chance d’écarter la demande la plus impérieuse des masses au sujet de la terre et des usines.

Ils pratiquaient la sagesse de Catherine la Grande, qui disait : « Pour sauver notre Empire de l’empire du peuple, le moyen est de déclarer une guerre et ainsi de substituer la passion nationale aux aspirations sociales. » Maintenant, les aspirations sociales des masses russes mettaient en danger le pouvoir bourgeois sur la terre et le capital. Mais, si la guerre continuait, le moment de rendre des comptes aux masses serait reculé. Les énergies absorbées par la guerre ne pourraient pas être employées à continuer la révolution. « Continuons la guerre jusqu’à la victoire » devenait le cri de ralliement de la bourgeoisie.

Mais le gouvernement de Kerenski ne pouvait pas contrôler les soldats. Ils ne répondaient plus à l’éloquence romantique de cet homme. La bourgeoisie chercha un homme d’armes. « La Russie doit avoir un homme énergique qui ne tolérera pas la folie révolutionnaire, mais qui gouvernera avec une main de fer, disaient-ils. Ayons un dictateur. »

Comme homme d’armes, ils choisirent le général Kornilov. À la conférence de Moscou, il avait gagné le cœur de la bourgeoisie en demandant une police de sang et de fer. De sa propre initiative, il avait introduit la peine de mort dans l’armée. Avec des mitrailleuses, il avait massacré des bataillons de soldats réfractaires et avait jeté leurs corps raidis dans les fossés. Il déclarait que seul un remède de cette énergie pouvait guérir les maladies de la Russie.

Le 9 septembre [27 août pour le calendrier russe d’alors – NdR], Kornilov publia la proclamation suivante : « Notre grand pays agonise sous la pression de la majorité bolchevique du soviet. Le gouvernement Kerenski agit en complet accord avec l’état-major allemand. Que ceux qui croient en Dieu et aux Églises prient le Seigneur de faire le miracle de sauver notre patrie. » Il retira du front soixante-dix mille hommes — beaucoup d’entre eux étaient des musulmans —, sa garde du corps turque, des cavaliers tartares et des montagnards circassiens. Les officiers jurèrent sur la garde de leurs épées que, lorsqu’ils auraient pris Petrograd, les socialistes athées seraient obligés d’achever la construction de la grande mosquée sous peine d’être fusillés. Avec des avions, des autos blindées anglaises et la Division sauvage assoiffée de sang, Kornilov s’avança sur Petrograd au nom de Dieu et d’Allah. Mais il ne prit pas la ville.

Au nom des soviets et de la révolution, les masses se levèrent comme un seul homme pour la défense de la capitale. Kornilov fut déclaré traître et hors la loi. Les arsenaux furent ouverts et des fusils mis entre les mains des ouvriers. Les gardes rouges circulèrent en patrouilles dans les rues, des tranchées furent creusées, des barricades élevées en hâte. Des socialistes musulmans se trouvaient dans les rangs de la Division sauvage. Au nom de Marx et de Mahomet, ils exhortèrent les montagnards à ne pas marcher contre la révolution. Leurs plaidoyers et leurs arguments prévalurent. Les forces de Kornilov fondirent et le dictateur fut fait prisonnier avant d’avoir tiré un coup de fusil. Les bourgeois furent accablés de voir que l’espoir de la contre-révolution tombait si facilement sous les coups de la révolution.

Les prolétaires se trouvaient encouragés dans la même mesure. Ils voyaient combien leurs forces et leurs unités avaient de puissance. Ils sentaient de nouveau quelle solidarité liait toutes les fractions des masses travailleuses. Les tranchées et l’usine s’acclamaient. Les soldats et les ouvriers n’oublièrent pas de rendre un tribut spécial aux marins pour le grand rôle qu’ils jouèrent dans l’affaire. »

La démonstration était faite : pour sauver la révolution, il faudrait rapidement en finir avec le pouvoir de la bourgeoisie, en concentrant le pouvoir dans les mains des ouvriers et des paysans pauvres.

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