Turquie : des centaines de milliers dans la rue contre Erdogan11/07/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/07/2554.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : des centaines de milliers dans la rue contre Erdogan

C’est devant des centaines de milliers de personnes que s’est terminée, dimanche 9 juillet à Istanbul, la « marche pour la justice » organisée par le principal parti d’opposition turc, le CHP (Parti républicain du peuple, dit social-démocrate). Le rassemblement s’est tenu devant la prison de Maltepe, où est incarcéré un député du parti, Enis Berberoglu, condamné à vingt-cinq ans de prison pour avoir informé un journaliste sur les collusions du gouvernement Erdogan avec des groupes djihadistes opérant en Syrie. L’article suivant, portant sur cette initiative du CHP, est traduit du mensuel Sinif Mücadelesi (Turquie – UCI).

Après la condamnation de son député, c’est au cours d’une réunion de près de six heures que la direction du CHP a décidé de lancer sa « marche pour la justice », avec en tête son secrétaire général, Kemal Kiliçdaroglu. Avant cet appel, la direction du parti était hésitante et il n’était pas sûr qu’un seul de ses membres se joigne à la marche de son secrétaire, même si tous allaient finalement le faire pour bénéficier de son effet politique.

En effet, si un seul homme a pris le départ, les marcheurs se sont souvent retrouvés à plus de dix mille sur ce parcours de plus de 450 km entre Ankara et Istanbul. Beaucoup d’autres se sont joints à eux lors des rassemblements sur les places ou dans les parcs des villes traversées. De nombreux soutiens sont venus aussi des différents groupes de gauche.

Pourtant, la direction du CHP a continué à présenter cette initiative comme la marche d’un seul homme et ceux qui s’y sont ralliés comme des soutiens inconditionnels du parti. Bien sûr, à ceux qui lui posaient la question de la suite, Kiliçdaroglu répondait que ce mouvement « n’est qu’un début ». Mais il n’a pas dit un mot de la façon dont il entend, après le meeting de Maltepe, poursuivre le combat pour la « justice ».

Dans l’accord entre l’AKP d’Erdogan et le CHP sur la levée de l’immunité des députés, il est évident que la question de l’incarcération des députés du parti prokurde HDP est venue à l’ordre du jour. Le fait que le CHP continue à considérer les Kurdes comme l’ennemi pouvait être apprécié par l’AKP. De même, le CHP ne s’est opposé que timidement à la nouvelle Constitution imposée par Erdogan.

La décision de condamner l’ancien journaliste et actuel député du CHP Berberoglu à vingt-cinq ans de prison pour espionnage est purement politique. Les photos publiées dans le journal Cumhuriyet montrant les camions d’armes envoyés aux groupes djihadistes par les soins du MIT, les services secrets turcs, ont été authentifiées. Berberoglu avait été condamné à une amende pour avoir fourni les photos. De plus, de telles photographies avaient déjà été publiées par le journal de gauche Aydinlik.

En fait, il est clair que cette décision est une menace contre les députés du CHP, avertis que des dizaines de dossiers les concernant pourraient aller devant les tribunaux. C’est pourquoi sans doute sa direction s’est sentie contrainte d’aller au-delà des protestations verbales. C’est d’abord pour tenter de sauvegarder sa propre possibilité d’exister qu’il demande la « justice ».

La justice, c’est tous les jours que la masse de la population la voudrait ! Mais cette justice-là n’est pas ce que demande le CHP. Il s’oppose à l’autoritarisme personnel d’Erdogan et à ses décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence, mais trouve justes les lois répressives adoptées par le Parlement.

Les injustices que rencontrent les travailleurs sur leur lieu de travail, l’arbitraire des lois et des tribunaux contre eux ou contre les Kurdes tout cela a existé bien avant. Ce n’est pas pour les travailleurs, pour les femmes, pour les Kurdes que le CHP demande la « justice ». Il ne critique que les décisions d’Erdogan qui le concernent. S’il veut réellement entraîner les masses dans sa lutte, il devra commencer par expliquer quel type de justice il veut et comment il compte la mettre en œuvre. (…)

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