SNCF : face à l’arrivée de la concurrence et aux menaces de privatisation16/11/20162016Journal/medias/journalarticle/images/2016/11/p_14_Manif_loi_travail_03_C_LO_0.jpg.420x236_q85_box-0%2C42%2C800%2C491_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCF : face à l’arrivée de la concurrence et aux menaces de privatisation

À peine « la réforme ferroviaire » est-elle entrée en application contre la volonté des cheminots, que le gouvernement prévoit la « réforme de la réforme ». Un rapport d’information parlementaire vient d’être publié, signé par deux députés, l’un du Parti socialiste, l’autre de l’UDI.

Illustration - face à l’arrivée de la concurrence et aux menaces de privatisation

Ce rapport fait l’état de tout ce qui doit être liquidé ou modifié avant le grand chambardement de l’ouverture à la concurrence pour les trains voyageurs fin 2019.

En 2020 au plus tard, le réseau TGV, dit commercial, doit en effet être ouvert à la concurrence. Quant au transport dit « conventionné », celui des TER et de ce qui restera des trains interrégionaux, il le sera au plus tard en 2023. Mais d’ores et déjà le gouvernement a formellement accepté le principe d’expérimentation anticipée de la concurrence sur le réseau TER. Rien n’empêche donc que, dès maintenant, des régions lancent un appel d’offres et confient la circulation des trains à un opérateur concurrent de la SNCF.

C’était là l’objectif poursuivi par la réforme ferroviaire de 2014 qui a abouti à la dislocation de la SNCF en trois établissements : SNCF Réseau, chargé de l’entretien des voies, SNCF Mobilités devenu un simple exploitant ferroviaire, le tout coiffé par un établissement censé garantir l’unicité de la SNCF.

Faire de la SNCF une société anonyme ?

Contrairement à SNCF Réseau, SNCF Mobilités doit être soumis à la concurrence. Pour ce faire, le rapport commence par préconiser sa transformation en société anonyme, pour l’heure à capitaux publics. Actuellement le statut d’entreprise publique garantit à la SNCF un meilleur taux d’emprunt que ses concurrents privés auprès des banques. Alors que la SNCF verse déjà des milliards d’intérêts aux banquiers, le plus urgent serait donc qu’elle en verse encore plus ! Il suffira ensuite d’ouvrir le capital pour aller vers la privatisation de la SNCF.

Il en va de même de la branche Gares et Connexions qui gère les 3 000 gares du pays. Les grandes gares sont devenues de gigantesques centres commerciaux, où il est plus facile de trouver une cravate qu’un billet de train. Cette branche étant susceptible de rapporter du cash, le rapport préconise de transformer aussi Gares et Connexion en société anonyme, filiale de SNCF Réseau.

Sur le plan juridique et parlementaire, le rapport propose aussi de supprimer dans la loi tout ce qui laisse encore à la SNCF un rôle prédominant ou de monopole dans les activités ferroviaires. Les auteurs du rapport savent pertinemment qu’il n’y aura aucune opposition dans la future assemblée : la gauche comme la droite sont parfaitement d’accord pour démolir ce qui reste de service public dans le transport ferroviaire.

La crainte de la riposte des cheminots

L’inquiétude des deux députés est ailleurs. Le rapport le dit clairement : « Il ne faut pas se cacher que l’obstacle le plus difficile à surmonter tient à la mauvaise qualité du dialogue social interne à l’entreprise, sur fond de compétition et de surenchères syndicales, de grèves récurrentes, et d’impréparation manifeste de son corps social aux nouveaux comportements de mobilité. » La résistance des cheminots, les grèves de 2014 contre le charcutage de la SNCF et celles du printemps dernier contre la remise en question de la réglementation du travail continuent donc à les inquiéter, et c’est tant mieux.

Ainsi, si le rapport se félicite d’avoir imposé une convention collective de la branche ferroviaire nettement en recul, il déplore de n’avoir pas réussi à imposer aux cheminots les reculs qu’ils espéraient sur l’accord d’entreprise : « Le télescopage du mouvement social contre la loi El Khomri, d’une part, et l’ouverture des négociations de la convention collective de branche et de l’accord d’entreprise, d’autre part, a finalement abouti à reconduire, voire à contraindre un peu plus (sur les horaires de nuit notamment) la rigidité des conditions de travail de l’accord d’entreprise… La SNCF en sort notoirement handicapée, au plan de la compétitivité ».

Les auteurs espèrent donc pouvoir imposer aux cheminots, au travers de la mise en concurrence, ce qu’ils n’ont pas accepté jusqu’ici. Ainsi, en cas de perte par la SNCF du marché d’une région, par exemple, le rapport préconise de transférer l’intégralité du personnel SNCF à la société privée ayant emporté l’appel d’offres. Mais à quelles conditions sociales, à quelles conditions de travail et de salaire ? Il leur faut des garanties que les cheminots accepteront des reculs « qu’il convient de négocier avant toute ouverture à la concurrence ». Et pour cela, ils misent sur « la qualité du dialogue social et du sens des responsabilités des organisations syndicales » afin d’obtenir, selon eux, des accords sociaux d’entreprise lui permettant de s’adapter à la concurrence. En clair, ils comptent sur les directions syndicales, du moins certaines, pour faire accepter aux cheminots la régression sociale qu’ils préconisent.

Les plans du patronat ferroviaire, portés par la gauche et la droite, sont clairs. Il faut que le plan de riposte des syndicats et des travailleurs du rail le soit tout autant.

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