Éthiopie : malgré la répression, la contestation gagne du terrain12/10/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/10/2515.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Éthiopie : malgré la répression, la contestation gagne du terrain

Cet article est extrait du numéro de septembre du mensuel Le pouvoir aux travailleurs, édité par l’organisation trotskyste Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI).

Depuis le début du mois d’août, l’opposition au gouvernement éthiopien prend de plus en plus d’ampleur. Quand le district de Wolkait, traditionnellement rattaché à la région Amhara, a été administrativement attribué à la région du Tigré, cela a déclenché des manifestations.

Depuis des décennies, les Tigréens ont été bien accueillis dans cette région riche et fertile. Mais désormais ce sont des dirigeants fédéraux tigréens et non amharas qui administreront Wolkait et ses habitants. Lors des manifestations, les forces de sécurité n’ont pas hésité à réprimer. Il y a eu plusieurs dizaines de morts et des centaines de personnes emprisonnées. Puis le mouvement de protestation s’est vite étendu au-delà de ce district. Les habitants des grandes villes de la région d’Amhara sont aussi descendus dans les rues pour montrer leur totale solidarité. La répression a continué.

Assez rapidement, les populations de la région d’Oromia ont soutenu le mécontentement des Amharas en manifestant dans les grandes villes. Ces populations oromos sont depuis des mois en lutte contre le gouvernement. En effet l’État accapare des centaines de milliers d’hectares de terre pour les vendre à de gros capitalistes, en chassant les paysans. Dans l’affrontement avec les forces de sécurité, il y a déjà eu des centaines de morts dans cette région. Cette fois-ci les Oromos ont fait cause commune avec les Amharas. Le gouvernement continue à réprimer.

En réaction à la férocité du pouvoir central dans ces deux régions, les grandes villes ont été déclarées « villes mortes ». Les habitants sont restés chez eux. Cela a eu beaucoup de succès. Dans certains endroits, les forces de sécurité ont essayé de faire sortir de force les habitants de leurs maisons. Ceux qui résistaient ont été bastonnés, emprisonnés et même tués. Beaucoup de gens ont fui dans la brousse. Les autorités ne donnent aucun chiffre sur le nombre de victimes. Mais elles pourraient se compter par centaines ou par milliers.

Ce qui se passe ces jours-ci en Éthiopie est le résultat d’une politique menée par les dirigeants au pouvoir depuis vingt-cinq ans. En 1991, le Front de libération du Tigré (TPLF) a pris le pouvoir en éliminant le dictateur Mengistu Hailé Mariam. Le successeur, Meles Zenawi, a créé le parti gouvernemental : le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), dont le TPLF demeure la composante dominante. Au cours des élections, des députés EPRDF ont de ce fait remporté la majorité au Parlement. En même temps, les dirigeants ont subdivisé le pays en huit fédérations autonomes correspondant environ aux huit grandes ethnies du pays. Le fait de subdiviser les régions par ethnie est nouveau dans son genre, en tout cas dans l’histoire du pays. Les Tigréens représentent 6 % de la population, alors que les Oromos et les Amharas sont environ 60 %. Ainsi ces deux ethnies considèrent que le gouvernement actuel n’est pas représentatif et, en plus, prend des mesures sans tenir compte de l’avis des populations.

Depuis vingt-cinq ans, ce gouvernement au pouvoir a pris soin de mettre à la tête de l’État et de l’administration des hommes de l’ethnie tigréenne, ainsi que les grands officiers de l’armée et de la police. De même, il est de notoriété publique que la région du Tigré a toutes les faveurs de l’État pour la construction d’écoles, d’universités, d’hôpitaux, de routes et l’aménagement des villes.

Le pays, comme la plupart des pays d’Afrique, est frappé par la crise économique. Et cette politique ethniste et régionaliste exaspère encore plus les populations et ne fait qu’empirer la situation. (…)

Les États impérialistes d’Europe et d’Amérique font semblant de ne pas se préoccuper de cette situation, car ils ne veulent pas mettre à mal le gouvernement éthiopien aux yeux du monde. Ce pays leur sert de gendarme en Afrique de l’Est, comme avant-poste pour la lutte contre le terrorisme venant surtout de Somalie. Ce service rendu à l’impérialisme permet à l’Éthiopie de recevoir des aides financières et militaires.

Dans ce pays, il existe une classe ouvrière importante, dans les zones industrielles et dans les chantiers. Elle a participé aux mouvements « villes mortes », en arrêtant le travail et en restant à la maison, dans l’administration et les services des grandes villes d’Oromia et d’Amhara, mais pas à Addis-Abeba ni dans les grands chantiers. Dans ce pays, il manque une organisation de la classe ouvrière capable de rassembler les revendications démocratiques des peuples, au-delà de leurs origines ethniques et régionales.

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