Italie : retraites de misère pour les travailleurs, profits pour les banques14/09/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/09/2511.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : retraites de misère pour les travailleurs, profits pour les banques

Votée en 2011, la loi Fornero, du nom de la ministre, faisait encore reculer l’âge de départ en retraite et abaissait le montant des pensions. Le 12 septembre dernier, le gouvernement a entamé des discussions avec les syndicats pour leur présenter les mesures qu’il compte mettre en place pour les futurs retraités.

L’âge de la retraite est fixé à 67 ans et 7 mois pour les hommes, 65 ans et 7 mois pour les femmes, du moins pour les travailleurs les plus âgés. Car, pour les plus jeunes, il ne cesse de reculer. C’est ce qu’illustre la lettre que les travailleurs italiens commencent à recevoir de la part de l’INPS (la Sécurité sociale italienne). Un million de salariés ont ainsi déjà reçu un courrier intitulé Ma retraite, qui détaille les conditions dans lesquelles ils pourront partir.

Les exemples donnés par la presse sont édifiants. Ainsi, un salarié de 29 ans, travaillant depuis quatre ans et touchant 11 916 euros brut par an, pourra partir en retraite dans 41 ans et 4 mois. À plus de 70 ans donc, et à condition de ne jamais connaître de période de chômage, il pourra espérer toucher une pension annuelle de 12 643 euros brut !

D’autres mauvais coups concernent les travailleurs ayant cotisé ponctuellement à des caisses différentes de l’INPS : la prise en compte de ces cotisations dans le calcul de leur retraite n’a rien d’automatique, et surtout rien de gratuit. Pour en bénéficier, ils devront payer des sommes non négligeables.

Mais qu’on se rassure, le gouvernement a réagi. Matteo Renzi a déclaré qu’il souhaite « améliorer le sort des vieux travailleurs les plus fragiles ». Il a donc imaginé un dispositif de départ anticipé baptisé Ape (anticipo pensionistico), qui permettra dès 2017 aux travailleurs âgés de 63 ans de prendre leur retraite 3 ans et 7 mois avant l’âge légal… Une retraite anticipée qu’ils financeront eux-mêmes, par un prêt remboursable sur vingt ans, qui amputera leur future retraite.

Nannicini, sous-secrétaire du Conseil des ministres, qui mène les discussions avec les syndicats aux côtés du ministre du Travail Poletti, donne ainsi l’exemple d’un futur retraité qui devrait toucher 1 000 euros de retraite de l’INPS. S’il souhaite partir en retraite un an avant l’âge légal, il devra rembourser 50 euros par mois pendant vingt ans, sa retraite tombant donc à 950 euros. Et s’il part 3 ans et 7 mois avant, sa retraite de 1 000 euros sera amputée de 200 euros tous les mois.

Les travailleurs souhaitant bénéficier, si l’on peut dire, de ces prêts devront s’adresser à l’INPS, mais ce sont bien les banques qui les accorderont. L’opération sera tout bénéfice pour elles, puisque le remboursement, pris sur la pension de retraite, sera garanti par l’État. Sans oublier que la police d’assurance obligatoire, au vu des risques de voir les retraités mourir avant d’avoir fini de rembourser, sera elle aussi garantie par l’État.

Les syndicats, CGIL comprise, se disent en accord avec l’esprit général de ces propositions, tout en contestant certains points, comme l’absence de dispositions particulières pour les travailleurs des professions pénibles ou les travailleurs précoces, c’est-à-dire ceux qui ont commencé à travailler très tôt. Le gouvernement, qui veut clore les discussions avec les syndicats à la fin du mois, se dit prêt à examiner leur situation. Peut-être s’engagera-t-il à payer les intérêts et la police d’assurance, voire à payer la totalité du prêt, comme il l’envisage pour les travailleurs au taux de pension le plus bas.

Quoi qu’il en soit, cette nouvelle mouture de la retraite se situe dans la continuité de la politique du gouvernement Renzi. Après le Jobs Act, qui permet aux patrons d’embaucher et de licencier pratiquement à leurs seules conditions, il entend faire payer les travailleurs pour ce qui était encore un droit il y a quelques années… non sans permettre aux banques de s’enrichir au passage.

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