Brésil : Dilma Rousseff destituée, et après ?07/09/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/09/2510.jpg.445x577_q85_box-0%2C62%2C822%2C1128_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : Dilma Rousseff destituée, et après ?

Mercredi 31 août, le Sénat brésilien a destitué la présidente Dilma Rousseff, suspendue depuis le 12 mai dernier. 61 sénateurs ont voté pour la destitution, 20 contre. Michel Temer du parti de droite PMDB, élu vice-président avec Rousseff en 2014, est désormais président de plein droit.

C’est la fin d’un feuilleton aux multiples épisodes, commencé mi-2015, au lendemain de la réélection de Rousseff. Celle-ci avait clamé son innocence, évoqué son passé d’opposante à la dictature militaire, dénoncé un coup d’État de la droite et du groupe de presse Globo, dit qu’en sa personne, ce sont les conquêtes sociales qu’on attaque. Elle a bien pu être appuyée par Lula, par une pléiade d’ex-ministres, les dirigeants du syndicat CUT, du Mouvement des sans-terre, du Mouvement des sans-toit, le chanteur Chico Buarque… rien n’y a fait : Cour suprême, commission parlementaire, députés, sénateurs, tous se sont prononcés contre elle.

Pour Rousseff, la partie est donc finie. Officiellement, elle paie quelques ruses dans la présentation du budget de l’État, ruses illégales mais que tous ses prédécesseurs ont utilisées. En revanche elle semble n’avoir pas trempé dans les affaires de corruption qui touchent son parti, le Parti des travailleurs (PT), une bonne partie de ses ministres et la majorité de ses accusateurs. Gleisi Hoffmann, sénatrice PT et ex-Première ministre, pouvait à juste titre s’indigner en constatant que, parmi les 81 sénateurs chargés de juger Rousseff, 59 (y compris elle-même) sont soupçonnés de corruption et visés par des enquêtes !

Et pourtant Rousseff paie pour cette corruption généralisée, qui s’est concrétisée sous la présidence de Lula par l’affaire du Mensalao (la grosse mensualité versée aux députés pour les convaincre d’appuyer le gouvernement) et aujourd’hui par l’affaire Petrobras (la compagnie pétrolière nationale) qui se chiffre en milliards de dollars. Ces scandales touchent indifféremment la droite et la gauche. Ainsi, pour expliquer la difficulté de convaincre les sénateurs de sauver Rousseff, un sénateur PT disait récemment : « Nous n’avions rien à offrir. » Eh oui, sans corruption, sans ministères ou postes lucratifs à distribuer, pas moyen d’affirmer son honnêteté.

Mais les raisons de cette défaite de Rousseff vont bien au-delà de la corruption. Le pays est atteint par la crise économique mondiale, ses exportations diminuent, l’inflation s’emballe, les licenciements se multiplient. Rousseff et le PT ne sont pas responsables de la crise du système capitaliste, mais ils ont contribué, en tant que gouvernement, à la faire payer aux travailleurs et aux petites gens. Du coup, ni le PT, ni la CUT, ni Lula, ni aucun de leurs multiples relais dans la société n’ont convaincu les travailleurs qu’il leur fallait défendre cette présidence et ce gouvernement.

Si la droite l’emporte, ce n’est donc pas seulement dû à ses manœuvres, c’est aussi parce que cette gauche de gouvernement, dont le seul souci est de défendre le capital, s’est en grande partie déconsidérée. La droite peut-elle tenir jusqu’aux élections générales de 2018 ? On peut s’interroger, car elle aussi trempe dans les scandales, et en tout premier le nouveau président Temer, dont l’impopularité égale celle de Rousseff.

Mais, Rousseff ou Temer : dans cette querelle entre politiciens bourgeois, les travailleurs n’ont rien perdu. Ils devront continuer à se défendre, car Temer attaque sur tous les terrains, avec la brutalité d’un homme de droite. Il poursuit des projets qui étaient déjà ceux de Rousseff et du PT : réformes des retraites, de la sécurité sociale, du droit du travail. Et si les travailleurs prennent conscience que leur salut ne viendra ni du PT, ni de la CUT, ni de Lula, en qui ils ont mis leur confiance depuis une quarantaine d’années, ils y auront même gagné quelque chose d’essentiel.

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