Céréaliers : comment les gros se font du blé10/08/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/08/2506.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Céréaliers : comment les gros se font du blé

Ces derniers jours ont vu se multiplier articles et reportages sur « la pire récolte [de blé] depuis 30 ans en France » (Les Échos). Une mauvaise météo de printemps serait la cause de rendements inférieurs de 30 % en moyenne à ceux de 2015, avec en outre un blé de moins bonne qualité et donc plus difficile à écouler.

À cela s’ajoute le fait que, dans d’autres pays gros producteurs de céréales, États-Unis, Canada, Ukraine, Russie, la récolte bat des records. Les médias comme les associations de producteurs présentent cette abondance comme une catastrophe. Un comble, comme s’il n’y avait pas sur terre des millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui souffrent de ne pas manger à leur faim.

Seulement voilà, dans cette société capitaliste organisée pour et par le profit privé, l’intérêt collectif a peu de place : seul compte le marché. Et comme une production record à l’échelle internationale n’est conçue que pour la demande solvable, cela se traduit par une baisse des cours à la Bourse de Chicago, dont les cotations servent de références mondiales pour le prix des produits agricoles.

D’où un autre facteur poussant à la baisse les revenus des céréaliers français. Pourtant, ce secteur de l’agriculture pouvait sembler depuis longtemps à l’abri des aléas financiers, sinon météorologiques. Et ce n’est pas un hasard si, trustant une bonne partie des aides françaises et européennes de la PAC, il concentre de très grosses exploitations, comme dans le bassin parisien, avec des revenus en conséquence.

C’est d’ailleurs pourquoi le gouvernement s’est hâté de prendre des mesures en sa faveur, dès fin juillet. Et si la presse ne traite que maintenant de la situation des céréaliers, cela ressemble beaucoup à la préparation de l’opinion avant un plan d’aide massive au secteur. Ou plutôt, ce que dénoncent déjà le Mouvement de défense des exploitants familiaux et la Confédération paysanne : un plan de « soutien aux exploitations industrielles ». En fait, même si le gouvernement a annoncé des reports de charges, de remboursements d’emprunts et de versements de cotisations à la MSA (sécurité sociale agricole), les mesures envisagées, qui devraient être présentées en octobre, s’adressent aux gros céréaliers, pas aux petites exploitations. C’est précisément ce que réclamait la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), lobby et porte-parole des capitalistes du secteur, tel son président Xavier Beulin, à la tête d’un empire financier dans l’agroalimentaire.

Que le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, soit aux petits soins pour ces « pauvres paysans » là, comme disait Fernand Reynaud dans son sketch sur un céréalier nommé Crésus, cela n’a rien d’étonnant. Ce n’est que la poursuite de la politique gouvernementale d’aides à tout-va à la bourgeoisie et au grand patronat.

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