Calais : une guerre économique payée par les travailleurs10/08/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/08/2506.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Calais : une guerre économique payée par les travailleurs

Depuis le début de l’année, les destructions d’emplois ont poursuivi leurs ravages à Calais, une ville ouvrière sinistrée depuis vingt ans par les fermetures d’usines.

Le énième épisode de la guerre commerciale entre Eurotunnel et les compagnies de ferries P&O et DFDS, qui se disputent les énormes profits que rapporte la liaison transmanche Calais-Douvres, a eu pour victimes les 350 salariés de Myferrylink. Ces derniers, qui avaient déjà été licenciés par la filiale de la SNCF Seafrance, se sont battus durant trois ans pour garder leur emploi en créant une scop. Eurotunnel, qui avait soutenu leur initiative uniquement pour contrer son concurrent DFDS, a finalement trouvé plus rentable de s’allier avec lui en sabordant les salariés. Une fois Myferrylink liquidée, les promesses d’embauche se sont révélées du vent.

En avril dernier, les marins ont quand même touché, grâce à leur lutte, un chèque de 15 000 euros. Comme l’a exprimé alors un dirigeant du Syndicat maritime Nord : « Ces 15 000 euros, ce n’est pas une victoire, mais cette somme marque le respect que l’on doit aux salariés. »

Les salariés de Tioxide-Huntsman, eux aussi, savent ce que valent les promesses des patrons : durant des années, ceux de ce groupe américain, leader mondial dans la production de dioxyde de titane, n’ont cessé de tenir des propos rassurants. Puis, brutalement, il y a un an, ils ont décidé la fermeture partielle de l’usine. Après avoir vanté la qualité de la production du site calaisien, ils ont prétexté que la haute qualité était finalement moins rentable que le bas de gamme. 160 salariés sur 260 ont été licenciés et les sous-traitants ont été aussi touchés. Et les rescapés du plan social redoutent pour cet été la fermeture totale de l’usine. Cela n’empêche pas que, selon les experts, « le groupe Huntsman affiche une excellente santé financière ».

Dans ces grands groupes mondiaux, l’emploi des salariés est à la merci de la stratégie des directions. Les 400 salariés d’Alcatel-Network Submarine, entreprise qui fabrique des câbles sous-marins, vivent eux aussi avec le couperet sur la tête. D’abord soulagés que leur usine n’ait pas été fermée comme d’autres sites Alcatel, puis soulagés qu’elle ait été rachetée par le groupe finlandais Nokia, ils n’ont pour autant pas de garantie pour leur emploi de demain. De même, les 400 salariés de Schaeffler, fabricant de chaînes de transmission automobile, redoutent actuellement une délocalisation en Chine ou un transfert de leur production en Allemagne. Et ils ne peuvent avoir aucune confiance dans les dénégations de la direction. Car ces groupes milliardaires se livrent à leurs tractations, à leur jeu de rachats-acquisitions, dans le secret des affaires, et ils ne se gênent pas pour abreuver les travailleurs de mensonges.

Les forces politiques locales, relayées par les médias, ont apporté de l’eau au moulin patronal, en semant des illusions : la maire UMP Natacha Bouchart et le député PS Yann Capet ont multiplié les déclarations de soutien aux salariés des entreprises qui licenciaient, tout en défendant ces géants capitalistes florissants. Ils ont prétendu ainsi sauver la ville ou la région. Mais c’est bien le cadet des soucis de ces patrons motivés uniquement par la recherche de placements plus rentables pour leurs capitaux. En pointant du doigt les Anglais, les Allemands, ou les Chinois comme responsables des licenciements, ces politiciens locaux contribuent à dédouaner les dirigeants de ces groupes industriels qui, sur des dizaines de sites dans le monde, exploitent les ouvriers de toute nationalité.

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