Ukraine : le cache-misère du patriotisme29/06/20162016Journal/medias/journalarticle/images/2016/06/p10_Affiche_Ukraine_C_LO_0.JPG.420x236_q85_box-0%2C231%2C600%2C569_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : le cache-misère du patriotisme

La direction des gardes-frontière ukrainiens vient d’annoncer sur un mode triomphal qu’elle entreprenait de construire un mur de barbelés et de fossés face à la Russie dans les régions de Kharkov et Kherson.

Illustration - le cache-misère du patriotisme

Les engins de chantier livrés à Kiev par l’armée américaine vont donc trouver à s’employer sur 180 kilomètres de frontière, pour l’instant, car tout laisse à penser que le gouvernement de Kiev ne veut pas en rester là.

Un nouveau mur en Europe

D’ores et déjà, il interdit dans les faits d’aller directement d’Ukraine en Russie : fermés la plupart des passages routiers, supprimés les trains Kiev-Moscou. Quant à prendre l’avion, même si l’on en a les moyens, mieux vaut y réfléchir à deux fois. Pour franchir les 700 kilomètres séparant Kiev de Moscou, il faut faire un grand détour par la Biélorussie, avec un arrêt à Minsk, car il n’y a plus de vols directs.

Cette situation est aberrante. Des siècles de vie commune ont entremêlé les populations ukrainienne et russe, non seulement aux abords de frontières qui n’existaient pas il y a vingt-cinq ans, car on avait alors un seul et même pays, mais partout. En ex-URSS, en effet, il n’y a guère de familles qui n’aient des parents en Russie, d’autres en Ukraine, etc.

Mais, comme leurs homologues de la Russie de Poutine, et pour les mêmes raisons, les dirigeants ukrainiens ont fait le choix de soûler leur population de propagande patriotique.

Un peu partout, des groupes nationalistes ayant pignon sur rue, et souvent des représentants au gouvernement, imposent la présence de leurs partisans en tenue de combat sur les places publiques, dressent des chapiteaux appelant à « faire tout pour la victoire » et à soutenir « les héros qui combattent dans l’Est ».

L’armée recrute, les entreprises débauchent

Si les finances de l’État sont à sec en Ukraine, pillées qu’elles sont depuis des décennies par les clans de la bureaucratie et les oligarques qui se disputent le pouvoir en permanence, l’armée semble ignorer les problèmes d’argent. En tout cas, on pourrait le croire au vu de sa campagne permanente de recrutement, avec ses photos de guerriers masqués, de tanks et autres engins de mort qui ont envahi les stations de métro et les panneaux publicitaires géants au cœur des villes.

Qu’une partie de la population n’y porte plus attention, depuis que cela dure, c’est évident. D’ailleurs l’armée compte moins sur ses appels à « défendre les siens » ou à devenir des « professionnels sous contrat sauvant la patrie » que sur le montant dudit contrat. Selon un journal du 25 juin, qui expliquait ainsi le quasi-triplement du recrutement d’engagés depuis un an, la solde équivaut à 320 euros mensuels. C’est trois fois le salaire moyen, du moins quand il est versé.

En effet nombre d’entreprises ont fermé ou tournent au ralenti, vu la rupture des approvisionnements en pièces détachées ou en matières premières venant de l’Est ou de Russie. Et il y a celles qui ne paient plus leur personnel. En février, cela a provoqué des grèves dans les mines de charbon de l’Ouest, et les mineurs ont fini par forcer l’État à leur verser des millions d’arriérés pour novembre-décembre. Fin juin, cette fois dans les chemins de fer, un syndicat indépendant a appelé les cheminots à se préparer à faire grève pour une augmentation de salaire.

C’est cette réalité-là, un pays et ses classes laborieuses plongés dans la misère par une caste de nantis pillards et de dirigeants notoirement corrompus, que voudraient faire oublier les gouvernants ukrainiens, avec leurs villas sur la Côte d’Azur, leurs appartements à New York ou Londres et leurs comptes offshore au Panama, tel le président Porochenko. Pour y parvenir, quand les hourras nationalistes ne suffisent pas, il leur reste les bonnes vieilles méthodes éprouvées : l’interdiction de toute propagande évoquant le communisme, le socialisme ou « incitant à la division sociale », cela sous peine d’années d’emprisonnement. L’Amérique et l’Union européenne, qui ont pris Kiev sous leur aile, n’y trouvent bien sûr rien à redire. Un silence complice des grandes puissances dites démocratiques qui va droit au cœur du régime ukrainien et au portefeuille des groupes industriels et financiers occidentaux installés dans le pays.

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