Afrique du Sud : explosion de colère dans les townships de Pretoria29/06/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/06/2500.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afrique du Sud : explosion de colère dans les townships de Pretoria

Il aura suffi que la direction de l’ANC, le Congrès national africain, annonce le 20 mai qu’elle avait choisi Thoko Didiza comme candidate à la mairie de Tshwane pour que s’embrasent les townships pauvres de ce district municipal qui inclut la capitale, Pretoria, au nord de Johannesburg.

Si cette nomination d’une ancienne ministre des Travaux publics proche du président Zuma a mis le feu aux poudres, c’est qu’elle met sur la touche le maire actuel, Kgosientso Ramokgopa, pour avoir eu l’audace de réclamer la démission de Zuma à la suite des scandales de corruption auxquels lui et sa famille avaient été mêlés.

Un jeune émeutier décrivait ainsi la situation : « Mettre le feu à des édifices publics et des propriété privées semble être devenu la seule façon d’obtenir de ce gouvernement qu’il vous écoute, et la colère explose. C’est le peuple qui parle et les traditions de combativité de l’ANC sont en train de revenir le hanter. »

Pendant près d’une semaine, des bus ont été incendiés, des barricades ont été érigées dans le centre de Pretoria et dans les townships de sa banlieue. La principale route conduisant aux districts miniers du nord a été bloquée, tandis que la police, malgré des renforts considérables, était attaquée de toutes parts. Bien sûr, il y a eu des morts – cinq officiellement – et des centaines d’arrestations. Après quelques jours, les symptômes de la pauvreté dans laquelle survit la population ont fini par apparaître : des magasins, le plus souvent eux-mêmes misérables, ont été attaqués et mis à sac, en particulier ceux appartenant à des « étrangers » venus des pays voisins.

Même si ces émeutes ont été déclenchées par les partisans de Ramok­gopa, comme le prétend la direction de l’ANC, cela ne change rien quant à ce qu’elles révèlent : la profondeur de la colère que suscite l’arrogante corruption du régime de l’ANC sous la direction de Zuma et la marginalisation de toute une partie de la population de la vie politique sociale.

Pendant vingt-deux ans après la fin de l’apartheid, la classe ouvrière et les masses pauvres ont accordé leur confiance à l’ANC et à ses alliés, le Parti communiste sud-africain et la confédération syndicale Cosatu, croyant qu’ils leur offriraient un avenir meilleur. Aujourd’hui, elles se sentent à juste titre trahies.

On peut penser que ce sentiment se traduira par une nouvelle baisse des voix de l’ANC lors des élections municipales du 3 août. Mais peut-être certains commencent-ils à réaliser que cet avenir meilleur ne se construira pas avec des bulletins de vote, mais au travers de la lutte collective. Et c’est là où ce dont on parle beaucoup depuis deux ans en Afrique du Sud pourrait jouer un rôle décisif : l’émergence d’un parti ouvrier capable d’incarner les intérêts de la classe ouvrière et des masses pauvres et de diriger leurs luttes contre un système qui les écrase, au profit d’une bourgeoisie désormais aussi bien noire que blanche, mais tout aussi rapace.

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