Falaise : les victimes oubliées de la guerre11/05/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/05/2493.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Falaise : les victimes oubliées de la guerre

Dimanche 8 mai, jour de commémoration de la fin de la Deuxième guerre mondiale, était inauguré à Falaise un musée dédié aux victimes civiles, « à ces millions d’anonymes qui ont tout perdu et que personne n’a jamais invités aux défilés », comme l’a présenté son initiateur, Stéphane Grimaldi, directeur général du Mémorial de Caen.

C’est pour l’instant le seul musée au monde qui ne fasse pas la part belle aux « héros » de guerre, autrement dit aux soldats du camp des vainqueurs, mais qui rende hommage à tous ces civils, hommes, femmes et enfants, qui ont eu le malheur d’habiter un territoire ravagé par les armées d’impérialismes rivaux, ou d’être les otages d’une politique terroriste menée par les États, visant à décourager toute révolte des peuples qui puisse mettre en cause leur domination.

Dans toute guerre, les civils paient un lourd tribut pour des conflits d’intérêts qui opposent les puissants et ne les concernent en rien. La Deuxième Guerre mondiale a cependant atteint des sommets terrifiants dans l’étendue du massacre des peuples et, pour la première fois dans l’histoire, la guerre a fait plus de victimes civiles que militaires. Sur les quelque 65 millions de morts, 35 millions furent des civils, auxquels il faut ajouter au moins100 millions de blessés.

L’extermination de civils a fait partie de la stratégie des chefs d’État et du haut état-major, au travers des bombardements ou des massacres de populations pour faire place nette. La barbarie des dirigeants nazis et de leurs bandes armées a marqué l’Europe par l’exécution de millions d’entre eux, que ce soit par folie meurtrière quand leurs cibles étaient les Juifs et Tsiganes, ou pour tenter d’asseoir leur domination, principalement dans les pays conquis de l’Europe de l’Est et en URSS. Cette barbarie trouvait son pendant dans celle des armées impériales japonaises qui, elles aussi, massacrèrent des millions de Chinois et d’autres peuples d’Extrême-Orient.

Mais ce n’est pas non plus un hasard si ce mémorial est situé dans la ville de Falaise. Au cours de la bataille de Normandie qui suivit le débarquement du 6 juin 1944, les villes normandes furent systématiquement bombardées, alors qu’elles ne présentaient aucun intérêt stratégique, causant 20 000 morts, soit plus du tiers des victimes civiles en France durant toute la guerre, et jetant les rescapés sur les routes. Partout, l’avancée des troupes anglo-américaines en Europe s’accompagna de bombardements massifs contre des villes où, à l’exemple de Falaise ou de Dresde en Allemagne, ne se trouvaient que des civils. Et le lancement en août 1945 de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki fut le point d’orgue de la politique de terreur menée par les dirigeants alliés contre la population des pays vaincus.

Les civils n’étaient pas ce que les états-majors nomment pudiquement aujourd’hui des dommages collatéraux, ils étaient les cibles à atteindre. Pour les dirigeants impérialistes, il s’agissait d’écraser les populations sous un déluge de bombes, pour vider les villes afin de décourager toute velléité de révolte, voire de révolution comme cela s’était produit à la fin de la Première Guerre mondiale. Il s’agissait de signifier aux peuples, au moment où ils voyaient s’écrouler des dictatures féroces, qu’ils n’échapperaient pas pour autant à la domination des vainqueurs.

Ce même 8 mai 1945, qui voyait la fin de la guerre avec l’Allemagne, les dirigeants de l’impérialisme français montraient d’ailleurs ce que cela pouvait signifier, en réprimant férocement les manifestants algériens qui, à Sétif, réclamaient l’indépendance.

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