La justice veut bâillonner un juge03/05/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/05/2492.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La justice veut bâillonner un juge

Parce qu’il avait remis en liberté des réfugiés que le ministère de l’Intérieur avait enfermés illégalement dans un centre de rétention, un juge des libertés et de la détention du tribunal de Nîmes est mis en cause par sa hiérarchie.

À l’automne 2015, le gouvernement avait décidé de vider la « jungle » de Calais, où les migrants survivent en espérant passer en Grande-Bretagne. Entre octobre et décembre, la police avait interpellé 1 200 personnes pour les envoyer de force dans sept centres de rétentions très éloignés. Heureusement, il n’était toutefois pas question de renvoyer ces réfugiés dans les zones de guerre comme la Syrie, l’Afghanistan et certains pays d’Afrique, dont ils sont originaires. Ils n’avaient donc rien à faire dans des centres de rétention.

Ce juge s’était donc autosaisi du placement illégal de 46 d’entre eux au centre de rétention de Nîmes et, conformément au droit, il avait ordonné leur libération. C’était révéler au grand jour que le ministre de l’Intérieur organisait leur déportation en dehors de tout cadre légal. Ce juge avait été le premier à le faire en octobre, suivi d’autres. La contrôleuse des lieux de privation de liberté leur avait donné raison.

Entre la simple application du droit et la politique de chasse aux migrants du gouvernement Hollande, la hiérarchie du ministère de la Justice a choisi son camp, qui est celui du pouvoir. Le juge de Nîmes se voit à présent reprocher un « manquement à ses devoirs de prudence et d’impartialité », ce qui laisse planer la menace d’une inspection judiciaire suivie éventuellement d’une sanction devant le Conseil supérieur de la magistrature.

Cela relativise bien des discours sur « l’État de droit ».

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