Irak : une situation empoisonnée03/05/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/05/2492.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : une situation empoisonnée

Une énième crise politique secoue le gouvernement irakien depuis trois mois. Le Premier ministre Abadi, en place depuis fin 2014, s’est engagé, sous la pression des milices chiites de Moktada al-Sadr, à remplacer l’actuel gouvernement par un ensemble de 14 ministres dits « technocrates ».

Après avoir manifesté depuis un mois à plusieurs milliers dans les rues de la capitale, les partisans d’al-Sadr se sont rassemblés le 30 avril dans la zone fortifiée du centre de Bagdad, dite zone verte, celle des ambassades et des ministères. Ils ont même occupé le parlement pendant une heure. La revendication pour le moins floue d’un gouvernement de « technocrates » traduit, pour les jeunes des quartiers les plus populaires de Badgad, majoritairement chiites, la volonté de voir Abadi entamer les « réformes » promises, prétendant mettre fin à la corruption et au clientélisme qui règnent dans les hautes sphères du pouvoir – comme dans ses échelons intermédiaires et locaux.

Mais la corruption et le clientélisme constituent le fonctionnement habituel de la vie politique de ce pays où l’affrontement des partis recouvre celui des clans et des groupes confessionnels. Une centaine de députés « frondeurs » se sont d’ailleurs manifestés bruyamment, réclamant la démission d’Abadi ainsi que celle du président et du chef du Parlement. Mais jusque dans le parti du Premier ministre, bien des élus refusent un tel gouvernement dit de « technocrates » qui pourrait leur faire perdre un peu de l’influence et des avantages qu’ils tirent du système de répartition confessionnelle du pouvoir.

Pour la population, la situation quotidienne est d’autant plus catastrophique qu’au chaos qui règne dans le pays depuis les guerres provoquées par les puissances occidentales s’ajoute l’appauvrissement dû à l’effondrement du prix du pétrole. Or ce dernier rentre pour plus des quatre cinquièmes dans les recettes de l’État irakien. Les manifestants qui contestent le gouvernement expriment l’exaspération face à la situation dans laquelle ils sont contraints de vivre. « Ils n’ont rien fait pour nous depuis la chute de Saddam Hussein. Nous vivons comme des rats, sans électricité, parfois sans eau potable, les écoles sont en piteux état. Et eux ils vivent dans l’opulence », dénoncent-ils.

Après l’aventure militaire lancée en Irak en 2003 par le président américain Bush, les armées occidentales ont favorisé délibérément le développement des milices, chiites comme sunnites, qui s’imposent à la population. Entre l’occupation d’une partie du territoire par Daech, les attentats qu’il organise, et les frappes prétendument ciblées de la coalition dirigée par les États-Unis, un état de guerre permanent règne dans le pays. La présence de 3 500 militaires américains et de centaines de soldats européens, dont ceux envoyés par Hollande, atteste de cette réalité.

Le gouvernement d’Abadi est un bien fragile rempart face au chaos qui en résulte aujourd’hui.

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