Avec ou sans amendements, le patronat renforcé03/05/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/05/2492.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Avec ou sans amendements, le patronat renforcé

Comme dans une mauvaise comédie, les acteurs de la mise en œuvre de la loi travail, la ministre El Khomri, Valls et le Parti socialiste, essaient de convaincre que l’ouverture du débat à l’Assemblée nationale aura une grande importance. Mais, outre qu’à tout moment le gouvernement peut décider de mettre fin aux palabres en mettant en application l’article 49-3 de la Constitution, qui permet d’adopter un texte de loi sans vote, aucun amendement ne pourra gommer le côté profondément néfaste de cette loi.

Car le recul principal, que les fondements de cette loi officialisent, c’est la remise en question de l’existence même de droits collectifs pour l’ensemble du monde du travail. Dorénavant, dans quasiment tous les domaines, salaires, temps de travail, conditions d’emploi, congés, etc., les règles communes existantes pourront être remises en cause par les employeurs et dépendront donc du rapport de force au niveau le plus local, par entreprise ou même par établissement. Partout et à tout moment chaque employeur, chaque chef d’entreprise pourra demander à négocier ou renégocier ce qui existait jusque-là, à la baisse bien entendu. Il pourra le faire sans avoir à se préoccuper de ce qui existe encore dans le Code du travail. Le Code du travail sera ainsi un maximum, et non plus une base minimum pour les salariés.

Sur le terrain, dans les usines, les chantiers, les bureaux, il y a bien longtemps que le patronat, dans le contexte du chômage de masse, fait le chantage à l’emploi. Il impose des reculs successifs dans tous les domaines, en n’hésitant pas à s’asseoir sur la loi et le Code du travail. Le ton et l’exemple sont donnés par les plus grandes entreprises du pays. Quant à la remise en cause des droits des travailleurs, elle n’a pas cessé depuis l’élection de Hollande en 2012, avec les lois Ayrault, puis les lois Macron. Les gouvernements précédents, celui de Sarkozy et d’autres, y avaient bien pris leur part. Mais la nouvelle loi travail va légaliser ces attaques et ces remises en cause, en mettant la loi au service de l’offensive des employeurs et en les encourageant à poursuivre dans la voie des attaques contre leurs salariés. Le mot d’ordre est de « baisser le coût du travail pour rendre les entreprises plus compétitives », plus exactement pour permettre au patronat et aux actionnaires d’engranger toujours plus de profits.

Et puis, ce que le gouvernement cherche, en accord complet avec le patronat, c’est à faire perdre ou au moins reculer le plus possible la conscience qu’ont les travailleurs de leurs intérêts communs. Ils voudraient, avec ces négociations menées par entreprise, renforcer l’illusion que les intérêts des travailleurs sont liés d’abord à la marche de celle-ci.

C’est aussi de ce point de vue que les mobilisations et manifestations contre cette loi ont leur effet le plus positif : elles contribuent à maintenir et renforcer la conscience que les intérêts de tous les travailleurs, de toutes les catégories du monde du travail sont profondément liés.

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