Belgique : terrorisme et querelles communautaires30/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2487.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Belgique : terrorisme et querelles communautaires

Dimanche 27 mars, 450 hooligans alcoolisés et vêtus de noir sont venus Place de la Bourse dans le centre de Bruxelles perturber une commémoration en hommage aux victimes des attentats du 22 mars. Ils portaient une banderole « Belgian casuals against terrorism » et scandaient « on est chez nous », accompagné de slogans racistes et saluts nazis.

Un rassemblement « contre la peur » avait été interdit ce jour-là car « la police, prise par ailleurs, ne peut protéger tant de gens ». Il s’était réduit à une petite commémoration. Certains des participants ont répondu aux hooligans en scandant « non à la haine » et « nous sommes tous des enfants d’immigrés ». Plusieurs ont été physiquement agressés, les fleurs déposées pour les victimes ont été piétinées.

La police n’est intervenue que tardivement pour déloger ces manifestants d’extrême droite. Venus majoritairement de Flandre et surtout d’Anvers, ils s’étaient regroupés à Vilvorde, dans la banlieue flamande de Bruxelles, pour prendre ensemble le train vers le centre. La police et les autorités flamandes ne sont pas intervenues, laissant la police et les autorités bruxelloises gérer ces provocateurs venus parader en force.

Chaque partie, flamande et bruxelloise, se renvoie maintenant la responsabilité. Le bourgmestre de Vilvorde, SP.a (social progressiste autrement, l’ancien parti socialiste flamand) affirme que tout le monde était au courant du rassemblement des hooligans et renvoie la balle au fédéral et à Bruxelles…

Les conflits communautaires reparaissent

Les conflits communautaires et régionaux rejaillissent ainsi à toute occasion entre politiciens flamands et francophones : Bruxelles-ville étant gérée par le PS francophone alors que la Région flamande et le gouvernement fédéral sont dirigés par la NV-A. Ce parti nationaliste flamand revendique toujours que Bruxelles revienne à la Flandre et reste sa capitale. Le bourgmestre francophone de Bruxelles a lancé les amalgames habituels sur le fait que « la Flandre est venue salir la capitale, avec son extrémisme, fonds de commerce de la NV-A. »

Il est certes connu que la police flamande, notamment à Anvers, est largement infiltrée par l’extrême droite. C’est un fait que la N-VA charge le Parti socialiste de tous les maux, y compris d’avoir « favorisé le terrorisme » par son laxisme et sa politique de tolérance « naïve » vis-à-vis des communautés musulmanes. Et c’est une réalité que le clientélisme du PS à Bruxelles, notamment dans le quartier de Molenbeek, n’a réglé aucun des problèmes de la partie la plus pauvre de la population immigrée…

Tout cela se joue dans un contexte où le budget déficitaire de Bruxelles, majoritairement francophone, mais aussi capitale officielle de la Flandre, dépend des financements de l’État fédéral et des autres régions. Bruxelles, troisième région à côté de la Flandre et de la Wallonie, apparaît pour les nationalistes comme une tache francophone en territoire flamand. De son côté, ­­l’ex- « communauté française » l’ a verbalement annexée en se renommant Fédération Wallonie-Bruxelles en 2011. Dans ce contexte tous les mauvais coups politiciens sont envisageables… Et ce qui arrive à Bruxelles se produit au niveau de l’ensemble de la Belgique.

Problème sécuritaire ou politique ?

Le président turc Erdogan vient d’accuser la Belgique de ne pas avoir tenu compte de l’avertissement de la Turquie sur le retour d’un ressortissant belge parti combattre en Syrie… Il s’agit d’un des terroristes bruxellois du 22 mars qui avait aussi été impliqué dans les attentats de Paris. D’aucuns avancent donc que ces attentats auraient pu être évités et, en tout cas, cela oriente les débats sur les dysfonctionnements de la police, des services de renseignements, de la justice, ouvrant un boulevard à tous ceux qui réclament plus de sécurité, plus de surveillance et des lois durcies, bref un État plus fort. Mais il ne faudrait pas oublier qu’il y a peu encore, les diplomaties, belge et française notamment, soutenaient des groupes islamistes opposés au dictateur Bachar al-Assad en Syrie, et contrôlaient beaucoup moins leurs allées et venues… jusqu’à ce que ceux-ci importent leur terrorisme en Europe.

Pour se protéger du terrorisme et aussi pour se protéger de l’extrême droite, deux dangers qui se renforcent mutuellement, il faudrait commencer par se protéger des gouvernements d’ici et mettre fin aux guerres qu’ils déclenchent et qui ensanglantent le Moyen-Orient et l’Afrique.

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