Réforme de l’orthographe : la droite fait feu de tout boa10/02/20162016Journal/medias/journalarticle/images/2016/02/p6-dessin001.jpg.420x236_q85_box-0%2C36%2C596%2C372_crop_detail.jpg

Leur société

Réforme de l’orthographe : la droite fait feu de tout boa

Le ministère de l’Éducation nationale a décidé de mettre en application à la rentrée 2016 une réforme de l’orthographe, en fait théoriquement en vigueur depuis 1990. Les enseignants pourront toutefois continuer à enseigner l’orthographe de leur choix et le public à écrire selon son cœur, sa raison ou, plus sûrement, le correcteur de son traitement de texte qui admet depuis longtemps les deux orthographes. La seule modification tangible sera la composition et, espèrent les éditeurs, la vente de nouveaux manuels scolaires.

Illustration - la droite fait feu de tout boa

Un apprentissage correct de l’écriture dans les écoles et collèges demanderait bien d’autres moyens que la simplification plus ou moins justifiée de 2 400 mots de vocabulaire. Il nécessiterait avant tout la réduction des effectifs des classes les plus difficiles, mais ce n’est pas le souci du gouvernement.

Cette circulaire ministérielle aurait donc pu connaître le sort commun des élucubrations administratives : être reçue, affichée, rarement lue, soigneusement archivée, rapidement oubliée. Mais la droite est montée au créneau, dénonçant un crime antipatriotique. L’accent circonflexe et le « i » de oignon rejoindraient les cathédrales gothiques, les tripes à la mode de Caen et le défilé de la Légion le 14 juillet pour définir l’âme française. Bayrou accuse carrément le ministère de vouloir « couper nos enfants hors de leurs racines », le FN parle « d’exiler les jeunes Français hors de leur propre langue ». Le Figaro, qui consacre pas moins de quatre pages et son éditorial à cette question, écrit au ministère : « Ne touchez pas à ce qui ne vous appartient pas. » Et tous ses lecteurs de comprendre à demi-mot qu’il considère que Najat Vallaud-Belkacem n’a pas à toucher à la langue française.

L’inévitable Jean ­d’Ormesson donne avec une franchise désarmante l’explication de ce nouveau délire patriotique. Favorable à la réforme il y a vingt-cinq ans et y ayant participé en tant qu’académicien, il s’y oppose aujourd’hui. C’est que, explique-t-il, « les gens sont malheureux ». Il convient donc de leur servir des racines et du tricolore à toutes les occasions.

La langue évolue, et même l’orthographe peut changer, mais la bêtise réactionnaire est immuable.

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