La Poste Paris Louvre : opération immobilière au mépris des postiers10/02/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/02/2480.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

La Poste Paris Louvre : opération immobilière au mépris des postiers

Supprimer des emplois par milliers chaque année ne suffit pas à La Poste. Elle augmente aussi ses bénéfices en vendant et en louant des bâtiments qu’elle vide. Les postiers du bureau de poste du Louvre à Paris, longtemps le plus grand de France, sont victimes de cette politique. Pour réaliser la plus fructueuse de ses opérations immobilières, La Poste les oblige depuis le 16 novembre dernier à travailler dans des locaux en partie insalubres.

Le bâtiment postal de la rue du Louvre, vieux de 130 ans, va devenir un pôle d’activité avec hôtel quatre étoiles, commissariat, restaurants et commerces sur 35 000 mètres carrés. Pour mener à bien cette opération, encore fallait-il commencer par vider le site du personnel qui y travaillait. C’est ce qui s’est passé à l’automne dernier.

Après avoir dit pendant trois ans que les postiers resteraient sur le site pendant les travaux et qu’ensuite une activité postale y serait maintenue, la direction a annoncé brutalement la fermeture, huit mois avant qu’elle n’intervienne. Rien n’étant préparé pour l’accueil du personnel, des travaux ont été entrepris à la hâte dans trois sites voisins, pour accueillir d’un côté les facteurs et les chauffeurs qui distribuent le courrier sur les 1er et 2e arrondissements, de l’autre ceux qui le font sur les 3e et 4e, et encore ailleurs les guichets. Les travaux n’étaient même pas finis lors du déménagement.

Les guichets ont été déplacés dans un local commercial désaffecté, près du métro Étienne-Marcel. Le personnel y est réduit au minimum, afin d’inciter les usagers, souvent désorientés, à utiliser les automates. Les horaires n’ont plus rien à voir avec ceux de l’ancienne poste du Louvre, dont les guichets étaient jadis ouverts sept jours sur sept et 24 heures sur 24. Ce qui était possible il y a cent ans ne l’est plus au vingt et unième siècle !

Les postiers des 1er et 2e arrondissements ont pour leur part atterri dans un ancien bureau au métro Sentier. La circulation des camions et des véhicules postaux y est difficile et même dangereuse. Les deux tiers des facteurs travaillent en sous-sol, sans voir la lumière du jour quand ils s’y trouvent, et le flocage au plafond se délite sur leurs têtes. Les autres sont en étages, serrés comme des sardines dans un petit local.

Ceux des 3e et 4e arrondissements se retrouvent dans un bureau de poste désaffecté rue de Saintonge, où facteurs et camions postaux empruntent la même porte, avec les risques d’accident que cela comporte.

Quant aux employés des entreprises sous-traitantes qui assuraient la cantine et le ménage, ils ont été contraints de partir sur d’autres sites, parfois éloignés, ou mis en fin de contrat quand ils travaillaient en contrats à durée déterminée (CDD).

Face à un tel mépris, les réactions n’ont pas manqué. Sans être suffisantes pour empêcher la fermeture de la poste du Louvre, elles se sont multipliées, notamment à Sentier. De nombreux rassemblements ont eu lieu, ainsi qu’une journée de grève suivie par les deux tiers du personnel. Les inspecteurs du travail, alertés par les syndicats, ont pointé le caractère illégal du travail en sous-sol et de l’activité dans une cour encombrée à Sentier, ainsi que de la sortie commune des facteurs et des camions à Saintonge.

La direction fait traîner les travaux et, pour tenter de faire taire la protestation, elle dit qu’elle pourrait bien délocaliser le bureau de Sentier une nouvelle fois, encore plus loin, ce qui est un véritable chantage. De nouveaux problèmes sont apparus. À Sentier, des conduites d’évacuation de WC dans les habitations situées au-dessus ont crevé, et les postiers ont trouvé des dépôts nauséabonds en revenant du week-end. Quant à Saintonge, une réorganisation, c’est-à-dire des suppressions d’emplois, y est annoncée pour juin prochain. Inutile de dire que la contestation peut et doit continuer.

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