Quand la barbarie du monde nous rattrape18/11/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/11/2468.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Quand la barbarie du monde nous rattrape

Au moins 129 morts et plus de 300 blessés ; les terroristes qui ont frappé le soir du 13 novembre ont tué froidement et méthodiquement le plus de femmes et d’hommes qu’ils ont pu : ceux qui étaient en terrasse, les spectateurs du Bataclan, ceux qui se trouvaient au Stade de France.

Ils ont tué indistinctement, au hasard, pour terroriser. Face à un tel déferlement de barbarie, on ne peut être que saisi d’horreur. Rien ne peut justifier de telles tueries. Ces actes viennent d’ennemis de toute l’humanité et par conséquent d’ennemis des travailleurs.

Alors que nous sommes tous bouleversés, les principaux dirigeants profitent de cette émotion pour que l’on se taise et se range derrière leur politique. Lundi après-midi, toute la classe politique s’est solennellement réunie en Congrès pour en appeler à l’unité nationale derrière elle. La veille, Hollande avait reçu Sarkozy et Le Pen à l’Élysée.

Ils nous parlent d’unité, mais est-ce que la droite et le FN vont cesser leur surenchère nauséabonde contre les musulmans et les étrangers ? Est-ce que le gouvernement mettra fin à ce climat de méfiance généralisée ? Bien sûr que non ! Avec l’état d’urgence et le durcissement des mesures policières, il faut s’attendre à la multiplication des contrôles au faciès et à la suspicion généralisée qui fera le lit des pires racistes.

Pour Hollande, Sarkozy et Marine Le Pen, « l’unité nationale » consiste à s’unir derrière eux pour faire la guerre. Même si la droite et le FN critiquent la politique de Hollande qui serait encore trop laxiste, ils nous ordonnent tous de faire bloc derrière l’État et de soutenir l’effort de guerre, d’accepter l’état d’urgence et la limitation des libertés. Et si on ne soutient pas cette voie guerrière, c’est qu’on est avec les djihadistes, accusent-ils !

Eh bien, ne nous laissons pas impressionner par ce genre de chantage ! Il faut dénoncer ET les terroristes, ET les responsabilités de l’État français.

Les djihadistes de Daech exercent une des dictatures les plus féroces qui soient dans les régions qu’ils dominent. Ils rackettent les populations, les forcent à vivre selon des préceptes moyenâgeux, réduisent les femmes en esclavage et liquident ceux qui ne pensent pas comme eux. Leurs victimes sont autant musulmanes que chrétiennes, preuve s’il en fallait qu’il ne s’agit ni d’un « choc des civilisations » ni « d’une guerre de religions » mais d’une lutte pour le pouvoir et pour les richesses de la région.

Mais ces monstres ne sont pas sortis de rien. Pour maintenir leur domination dans cette région du Moyen-Orient qu’ils avaient colonisée, les dirigeants des pays impérialistes n’ont jamais hésité à s’appuyer sur les pires régimes, sur des dictatures moyenâgeuses comme l’Arabie saoudite ou sur l’État d’Israël qui opprime le peuple palestinien.

Et lorsque cela les arrangeait, ils ont armé des groupes et manœuvré pour faire naître des oppositions. En Irak, les États-Unis ont renversé Saddam Hussein, détruit son armée et mis en place un régime qui a exclu les sunnites. On retrouve aujourd’hui ces derniers à la tête de Daech.

Les grandes puissances ont déclenché la « guerre contre le terrorisme » il y a 14 ans, après l’attentat du World Trade Center. À l’époque, il y avait un ou deux foyers terroristes. Aujourd’hui, il y en a des dizaines. Loin d’éradiquer le terrorisme, ces interventions impérialistes les nourrissent.

Il y a un mois, des terroristes frappaient en Turquie, faisant 97 morts. Il y a quinze jours, un avion russe se crashait sur le Sinaï : 224 morts. Jeudi 12 novembre, à Beyrouth, une bombe a fauché 44 personnes. Quant à la guerre en Syrie, elle a déjà fait 250 000 morts. Alors, non, la barbarie n’est pas montée d’un cran depuis qu’elle a frappé Paris, elle nous a rattrapés.

La France ne peut pas être un îlot de sécurité et de paix dans un océan de misère et de guerres. Un monde où 67 familles possèdent l’équivalent de ce qu’ont, pour survivre, 3,5 milliards d’êtres humains, un monde où l’Afrique et le Moyen-Orient sont des eldorados convoités par les capitalistes mais des enfers pour leurs populations, ne peut qu’engendrer des monstruosités. On ne s’en débarrassera qu’en prenant le mal à la racine, c’est-à-dire en s’attaquant à la domination de ce système économique fou.

Alors, ne nous laissons pas enrôler dans cette union sacrée des impérialistes ! Ne laissons ni Hollande, ni Sarkozy, ni Le Pen, parler en notre nom ! Il est vital que nous, les travailleurs, quelle que soit notre origine, nous nous sentions une classe unie par nos intérêts, pour nous défendre contre cette minorité qui nous exploite et plonge le monde dans la barbarie.

Éditorial des bulletins d’entreprise du 16 novembre 2015

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