Syrie : les alliés djihadistes du gouvernement français07/10/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/10/2462.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Syrie : les alliés djihadistes du gouvernement français

Depuis mercredi 30 septembre, l’aviation russe est entrée en action en Syrie, bombardant et tuant des djihadistes mais aussi des civils, exactement comme le font les autres grandes puissances en Irak ou en Syrie depuis des années. Mais ces premières frappes de la Russie ont déclenché l’irritation de la France et des États-Unis, la Russie ne s’étant pas attaquée qu’à Daech, mais aussi à d’autres milices.

Or, parmi toutes les milices intégristes de Syrie, la diplomatie des grandes puissances veut faire son marché : il y a celles qu’elle veut combattre et celles sur lesquelles elle veut s’appuyer.

Si la barbarie de Daech a été de nombreuses fois rapportée, celle des milices islamistes rivales, même si elle ne fait pas la une, ne vaut pas mieux. En effet, en plus de Daech, de nombreuses milices ont contribué à leur échelle à transformer la Syrie en un enfer pour les populations. Les alliances entre ces milices sont fluctuantes, dépendant des intérêts du moment de leurs chefs. Mais la grande majorité sont islamistes, se réclamant du salafisme, et de ce point de vue n’ont rien à envier à Daech.

Aujourd’hui, la coalition militaire la plus puissante, en dehors de Daech, porte le nom d’Armée de la conquête. Elle rassemble le Front al-Nosra, lié à al-Qaida, et d’autres milices dont les plus importantes sont l’Armée de l’islam et le groupe Ahrar al-Sham. Ces milices, rassemblant des dizaines de milliers de combattants chacune, sont financées par les dictatures religieuses de la péninsule arabe comme l’Arabie saoudite et le Qatar, ou encore par le régime islamiste de Turquie. Certains responsables de Ahrar al-Sham sont même issus du groupe État Islamique en Irak, ancêtre de Daech. Voilà les milices que la France et les États-Unis osent présenter comme « l’opposition à Bachar al-Assad » et qu’ils veulent protéger des bombardements russes.

Quant à la Russie, si elle a attaqué ces groupes et d’autres, comme l’Armée syrienne libre, tous connus comme opposants à Bachar al-Assad, c’est pour afficher son soutien à ce dernier. Elle sait qu’un des aspects de sa position de force est justement de pouvoir jouer le rôle d’intermédiaire entre Assad et la coalition des grandes puissances contre Daech. L’exaspération des dirigeants américains et français vis-à-vis de cette attitude de la Russie est d’ailleurs largement une posture. Tous savent qu’aucune solution n’est réellement envi­sa­geable sans le régime d’Assad, car toute autre solution serait encore plus chaotique du point de vue de leurs intérêts. Mais, à la fois pour ne pas froisser leurs précédents alliés et aussi pour pouvoir s’appuyer sur certaines forces en présence dans une éventuelle négociation, ils font assaut de déclarations de fermeté vis-à-vis d’Assad. La France, qui n’intervient militairement en Syrie que pour s’imposer comme partie prenante, veut en outre, en dénonçant Assad, faire plaisir aux ennemis de celui-ci, l’Arabie saoudite et le Qatar, qui ne valent pas mieux que lui mais sont de si bons clients.

Toutes ces manœuvres sont d’ailleurs une des raisons du chaos qui règne en Syrie et en Irak, et dont Daech est en réalité plus le produit que la cause. Si chacune des puissances impérialistes ou des puissances régionales intervenant dans cette guerre reprend à son compte la lutte contre Daech, chacune cherche à y pousser ses pions, finançant, armant voire soutenant militairement telle ou telle milice.

L’Iran et la Russie soutiennent Bachar al-Assad et les milices chiites irakiennes. L’Arabie saoudite et le Qatar soutiennent les milices islamistes. La Turquie, elle, bien plus que contre Daech, est en guerre contre le PKK (Parti des travailleurs du Kudistan) allié des milices kurdes syriennes du PYD (Parti de l’union démocratique). Ainsi, dimanche 4 octobre à Strasbourg, le président turc Erdogan, en meeting électoral auprès des Turcs de France, a assuré son auditoire de sa détermination à « écraser l’organisation terroriste ». Il ne parlait pas de Daech mais du PKK.

Les grandes puissances impérialistes, États-Unis en tête, France en deuxième ou troisième ligne, cherchent à utiliser toutes ces forces en présence, les jouant les unes contre les autres, pour leurs intérêts économiques et géostratégiques. L’intervention militaire directe de la Russie n’est qu’un élément de plus dans cet enchevêtrement d’intérêts. Et, même si finalement Daech recule et si un règlement politique voit le jour, ce sera dans un pays détruit, terrain des rivalités entre les différentes milices et des luttes d’influence entre grandes puissances.

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