Ukraine : les surenchères de l’extrême droite02/09/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/09/2457.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : les surenchères de l’extrême droite

Le 31 août, dans la capitale ukrainienne, de violents combats ont opposé la Garde nationale à des organisations d’extrême droite, Svoboda (Liberté) et Pravyi sektor (Secteur droite), devant la Rada, l’Assemblée nationale. Trois policiers ont été tués, une centaine d’autres ont été blessés, tandis qu’une soixantaine de manifestants porteurs de grenades ou d’armes à feu étaient arrêtés.

On n’avait plus vu de tels combats à Kiev depuis les manifestations de 2013-2014 qui avaient fini par renverser le président « prorusse » Ianoukovitch. Les nationalistes radicaux formaient alors le fer de lance du mouvement. Avec l’aval des États occidentaux, parrains du nouveau régime, Svoboda avait obtenu des postes dans le gouvernement de l’après-Maïdan. Pravyi sektor, lui, avait vite choisi de contester le nouveau pouvoir, en l’accusant de céder face à la dissidence du Donbass.

L’extrême droite use de la surenchère nationaliste et belliciste. Mais elle n’est pas la seule. On l’a vu le 31 août, quand le président Porochenko a présenté à la Rada une modification constitutionnelle accordant plus d’autonomie aux régions, donc aussi à l’Est sécessionniste.

Il n’en a pas fallu plus pour que les députés, hormis ceux des partis au pouvoir, refusent ce projet. Si les élus de Svoboda ont voté contre, ceux du Parti radical et de Baktivchtchina (La Patrie), de l’ex-Première ministre et oligarque Ioulia Timochenko, ont fait de même. La bataille faisait rage devant la Rada, à l’intérieur aussi. Et il était patent que jamais ce projet n’atteindrait le quota des deux tiers des votants nécessaire à son adoption.

Ce projet censé désamorcer la tension dans le Donbass était prévu par les accords de Minsk, signés par les présidents ukrainien et russe, sous l’égide de Merkel-Hollande, et avalisés par la Rada. Mais il n’avait guère de chance d’être jamais suivi d’effet. D’abord, parce que, n’ayant pas été consultés, les leaders du Donbass ont déclaré que Kiev pouvait bien prévoir des élections régionales sur cette nouvelle base constitutionnelle, eux allaient organiser leurs propres élections à une autre date.

Mais même privé d’avenir, ce projet était un geste. Et c’était encore trop pour les nationalistes radicaux et pour les politiciens qui jouent sur le même registre face à Porochenko. Car ce dernier a beau bénéficier du soutien occidental, la crise multiforme qui s’est abattue sur l’Ukraine fragilise son image, sinon son pouvoir.

D’abord, il paraît incapable de venir à bout de la sécession de deux provinces, et personne ne croit qu’il pourra reprendre la Crimée à la Russie. Ensuite, Porochenko peine à s’imposer politiquement, même ailleurs qu’à l’Est. Ainsi en Ruthénie, à l’Ouest, a eu lieu un référendum sur l’indépendance et l’extrême droite a pu y prendre d’assaut des bâtiments officiels.

Surtout, le pays est socialement à genoux. Les salaires sont misérables, quand ils sont payés. L’inflation bat des records. Nombre d’usines ne fonctionnent plus qu’au ralenti. Quant aux soldats partis se battre, parfois dans des bataillons d’extrême droite subventionnés par des hommes d’affaires, une fois rendus à la vie civile ils se retrouvent souvent sans emploi. Et ceux qui reviennent estropiés du front ne peuvent obtenir les aides sociales auxquelles, en théorie, ils ont droit.

Significatif de cette décomposition de la société est le fait que, devant la Rada, manifestants et gardes nationaux avaient des équipements sortis des mêmes entrepôts militaires. C’est d’ailleurs avec des groupes d’extrême droite qu’a été constituée la Garde nationale, après le Maïdan. Il s’agissait de la substituer à une armée mal équipée, avec des conscrits peu désireux d’aller combattre à l’Est, tout en éloignant de la scène politique les activistes de l’extrême droite. On voit le résultat…

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