Après le Viagra : désir de profit et profit du désir26/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2456.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Après le Viagra : désir de profit et profit du désir

Après la petite pilule bleue censée restaurer les virilités défaillantes, mais conduisant à coup sûr les profits de Pfizer au pinacle, l’industrie pharmaceutique frémit de plaisir à la perspective d’une petite pilule rose.

Le Viagra a vu le jour dans les années 1990. Au départ, le produit était testé, étudié pour son efficacité dans le traitement de l’hypertension artérielle et de certaines maladies cardiaques. Bientôt médecins et infirmières furent impressionnés par les draps qui se soulevaient. Manifestement, ce n’était pas les vaisseaux du cœur que le médicament élargissait le plus efficacement... En 1998, il fut donc lancé, sous l’appellation Viagra, pour les troubles de l’érection. Avec une certaine efficacité mécanique, dit-on, et pour le plus grand plaisir du laboratoire Pfizer (plus de 2 milliards de chiffre d’affaires par an !)

Côté rose, dans les années 2000, le laboratoire Boehringer annonçait comme imminente l’arrivée sur le marché d’un « Viagra féminin ». Il s’agissait d’un antidépresseur, le Flibansérin, mauvais dans sa catégorie, mais que le laboratoire présentait comme un traitement des troubles du désir chez les femmes proches de la ménopause. Il en espérait surtout des retombées sonnantes et trébuchantes. À l’époque, les autorités de santé avaient mis leur veto à sa mise sur le marché, en raison de l’absence d’efficacité du produit et aussi des risques d’effets secondaires tels que fatigue, évanouissements, hypotension. Alors Boehringer avait vendu son produit à un autre labo, Sprout Pharmaceuticals.

En 2013, Sprout Pharmaceuticals réessayait d’obtenir l’autorisation en présentant de nouvelles études cliniques. Sans succès, puisque toujours aussi inefficace et risqué. En juin 2015, il a réitéré et cette fois, banco, Sprout vient d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché aux États-Unis à condition… de « mettre en place des procédures » pour s’assurer que les utilisatrices sont conscientes des risques encourus !

Au lendemain de l’annonce, Sprout recevait et acceptait une offre de rachat pour 1 milliard de dollars par Valéant, un gros laboratoire canadien bénéficiant d’une grosse force de frappe, permettant d’engranger les gros profits attendus. D’autant plus gros que si, pour les hommes, la posologie du Viagra est d’un seul comprimé précédant chaque espoir d’action, pour les femmes c’est au long cours, pendant de longues semaines, que les labos espèrent leur faire avaler la pilule.

Quant aux risques encourus par les femmes qui se laisseraient berner, il n’en est pas question.

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