Turquie : combativité intacte à Renault Bursa19/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2455.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : combativité intacte à Renault Bursa

Le 11 août, à la veille de la fermeture estivale de l’usine, les travailleurs de Renault Bursa, en Turquie, ont voulu donner un avertissement à la direction. Ils ont manifesté et défilé dans toute l’usine en scandant « On part ensemble, on rentre ensemble », avant de se donner rendez-vous le 24 août, jour de la reprise, devant l’entreprise, pour vérifier qu’aucun d’entre eux ne manquait à l’appel.

Le message est clair : si, comme le bruit en court, la direction profite de cette période de congés pour procéder à des licenciements, elle doit s’attendre encore une fois à une réaction unanime des travailleurs.

Fin mai, à l’issue d’une grève de treize jours, les 5 700 grévistes de l’usine ont obtenu plusieurs primes qui représentent une augmentation de salaire de plus de 100 euros mensuels, soit 20 % de hausse. Cette grève a montré la voie et entraîné une vague de mouvements, d’abord dans la métallurgie de la région, puis dans d’autres secteurs et à travers tout le pays. Certaines de ces luttes sont toujours en cours.

La direction a dû négocier un accord de fin de conflit, en cédant sur la question salariale et des droits syndicaux. La reprise s’est faite sur un sentiment de victoire, les cadres faisant profil bas. Mais, depuis, la direction tente de reprendre la main et a essayé à trois reprises de casser l’unité et la combativité des travailleurs vainqueurs.

Mi-juin, elle a licencié un ouvrier qu’elle pensait peu apprécié de ses camarades de travail. Elle voulait tester la réaction du personnel, qui avait repris le travail deux semaines plus tôt. Eh bien, la réponse a été immédiate : toute l’équipe, soit 1 500 personnes, a cessé le travail et le licencié a dû être réintégré.

Deux semaines plus tard, une seconde tentative a eu lieu. Cette fois, la direction a tenté de s’en prendre aux huit délégués que les grévistes avaient choisis pour diriger le mouvement. Renault a annoncé que, « pour des raisons légales », il ne pouvait y avoir à la fois les anciens délégués, ceux du syndicat officiel Türk Metal-Is, et ceux désignés par la grève comme interlocuteurs. Là encore, la réaction a été immédiate : une manifestation impressionnante de l’ensemble de l’équipe après le travail a obligé Renault à reculer de nouveau.

En Turquie, un syndicat ne peut être reconnu comme représentatif dans une entreprise que si plus de 50 % des salariés y adhèrent. L’adhésion à un syndicat est obligatoire pour pouvoir bénéficier des accords signés avec les organisations patronales. Depuis des années, le patronat de la métallurgie impose Türk Metal-Is (TM), un syndicat véreux qui défend ouvertement ses intérêts. Les travailleurs qui par le passé ont contesté ce syndicat ou en ont démissionné, ont été purement et simplement licenciés. C’est contre un accord qui ne prévoyait que des hausses de 3 % sur trois ans, accord signé et défendu par ce syndicat, que la grève avait éclaté. C’est pourquoi Türk Metal-Is est vomi par les travailleurs de Renault Bursa qui, dans leur quasi-totalité, en ont démissionné dès le début de la grève, en réclamant qu’il ne soit plus considéré comme leur représentant. Mais, depuis la reprise du travail, la direction tente de le remettre en selle.

Face à cela, certains délégués ont appelé les travailleurs à adhérer à un autre syndicat, Birlesik Metal-Is (BM), qui fait partie de la confédération DISK, réputée plus combative et de gauche. Avant la grève, la direction avait répondu aux adhésions à DISK par des licenciements, avec évidemment l’accord des dirigeants du syndicat en place. Mais, depuis fin juillet en particulier, plusieurs centaines de travailleurs y ont néanmoins adhéré.

L’épreuve de force n’est donc certainement pas terminée. Mais, avec un moral renforcé par le succès de la grève, les travailleurs de Renault Bursa sont décidés à imposer durablement leur droit de s’organiser comme ils l’entendent. Avec la manifestation du 11 août, la direction est prévenue : ils n’accepteront pas qu’elle profite de la période des congés pour tenter de nouveaux mauvais coups.

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