Monde paysan : qui donne le ton ?19/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2455.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Monde paysan : qui donne le ton ?

Si dans les entreprises et les quartiers populaires les mobilisations paysannes successives ont été vues en général avec sympathie, on ne peut pas dire que la réciproque se soit manifestée bien clairement. Parfois ce fut le contraire, avec des slogans hostiles aux salariés à l’occasion de certaines manifestations.

Dans le contexte d’une absence totale du monde ouvrier de la scène sociale et politique, ce sont les préjugés réactionnaires qui fleurissent actuellement chez les paysans comme chez les petits patrons et dans toute la petite bourgeoisie. D’autant que le monde paysan s’est radicalement transformé.

La petite paysannerie a fondu comme neige au soleil. En 1955, on comptait 2,3 millions d’exploitations agricoles où travaillaient 6,2 millions d’agriculteurs et de salariés agricoles regroupant 31 % de l’emploi total du pays. En 2000, cette part était tombée à 4,8 %, avec 1,3 million de personnes. Et en 2010, lors du dernier grand recensement, le nombre d’emplois est tombé à 966 000, dont 155 000 salariés agricoles permanents et 79 000 équivalents temps-plein saisonniers.

Cela s’est accompagné d’une concentration de la taille des exploitations. Rien qu’entre 2003 et 2012 la part des exploitations de plus de 100 hectares a plus que doublé. Les grandes exploitations ont aujourd’hui une part prépondérante dans quasiment tous les grands secteurs de l’agriculture. Les exploitations de moins de 50 hectares, qu’on considérait auparavant comme moyennes, ont fortement chuté.

Parallèlement on a assisté à une transformation, voulue par les représentants syndicaux majoritaires, FNSEA-CNJA, et les gouvernements successifs, des exploitations agricoles en sociétés de type capitaliste classique. En 1985, la forme parallèle aux sociétés anonymes des entreprises a été lancée, les EARL, les établissements agricoles à responsabilité limitée. En 2010 on en comptait déjà 79 000, sans compter les dizaines de milliers d’autres sous des formes de société plus anciennes.

C’est dire si la paysannerie d’aujourd’hui a pris la forme majoritaire de petites entreprises, exploitées en majorité par leurs propriétaires, mais à la tête d’investissements lourds. Et une bonne partie des agriculteurs qui se plaignent à juste raison d’être maltraités par les plus gros, voire par leurs propres coopératives, sont tiraillés entre leur statut d’entrepreneur, voire d’associé, très minoritaire, et celui de paysan subissant le diktat des mêmes. Si l’on prend le cas de la Cooperl pour le porc, la coopérative annonce 4 800 salariés et 2 700 éleveurs adhérents à la coopérative. Ce qui ne l’empêche pas de mener la guerre à ses adhérents.

On ne peut attendre de ce monde paysan qu’il soit capable par lui-même de se sortir de ses contradictions, tiraillé entre l’espoir de devenir un grand du secteur selon les lois de la réussite capitaliste, « d’arriver », et la nécessité de survivre face à des puissants qui le pressurent.

Seule la classe ouvrière, en redevenant la force sociale et politique contestant toute la dictature capitaliste sur l’ensemble de la société, avec son avant-garde revendiquant l’expropriation de la classe exploiteuse, pourrait offrir une alternative progressiste à la partie de la paysannerie qui travaille du matin au soir. En offrant aux paysans la possibilité de vivre dignement dans une société débarrassée de l’exploitation, en œuvrant par leur travail au bien-être de tous ses membres. Et de détourner ainsi ces paysans des mirages réactionnaires qui ne les mèneront nulle part.

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