Haïti : des élections sur fond de violences et d’indifférence de la population12/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2454.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti : des élections sur fond de violences et d’indifférence de la population

Le dernier numéro de Voix des travailleurs, édité par l’OTR (Organisation des travailleurs révolutionnaires d’Haïti) daté du 31 juillet, consacre un article à la campagne qui a précédé les élections législatives dont le premier tour s’est tenu le 9 août. Nous en publions de larges extraits. Ces élections se sont déroulées sur fond de violence généralisée dans de nombreux endroits du pays, avec un faible taux de participation populaire et des manipulations ouvertes du parti au pouvoir et de ses alliés. Plus d’une cinquantaine de centres de vote fermés (sur 1 508) au cours de la journée électorale (un centre de vote héberge plusieurs bureaux de vote), au moins trois morts, une douzaine de blessés dont trois policiers, une trentaine d’arrestations, de nombreuses armes saisies par la police, des centres de vote incendiés, d’autres saccagés, les bulletins emportés et jetés dans la rue : c’est le bilan partiel des actes de violence orchestrés par le parti présidentiel et ses alliés pour garder le pouvoir et continuer à profiter de la mangeoire à tout prix. Dans les centres de vote épargnés par la violence, ce sont les bourrages massifs d’urnes qui ont compensé le faible taux de participation populaire. Dans la majorité de ces endroits, seuls les mandataires des partis proches du pouvoir avaient accès aux centres de vote et ont magouillé dans le calme et la sérénité. Les résultats doivent être rendus publics le 19 août. Le second tour aura lieu le 25 octobre.

« Malgré la prolifération de candidats et de partis politiques enregistrés au Conseil électoral provisoire (CEP), il n’y a pas eu de débats, pas de meetings, encore moins de programmes, alors qu’on était censé être en pleine campagne électorale…

En lieu et place de débats, de confrontation d’idées, on a plutôt eu droit – notamment dans les villes de province – à des actes de violence. Dans la soirée du 22 juillet, trois hommes ont été tués par balles alors qu’ils apposaient des affiches et des pancartes électorales d’un parti politique. Le candidat à la mairie de Marigot a succombé à ses blessures le 21 juillet après avoir été blessé par balle à la jambe par un agent de sécurité d’un autre candidat. Dans la même semaine, un sympathisant d’une candidate à la députation pour la circonscription de Carrefour a eu l’oreille coupée à l’arme blanche au moment où il collait les photos de sa candidate. Un autre sympathisant du candidat à la députation pour la commune de Cornillon/Grand-Bois a été assassiné dans la nuit du 11 au 12 juillet. Il ne s’agit que des cas rapportés par la presse, qui a fait aussi état de nombreuses menaces de mort à l’endroit des candidats.

Voilà à quoi a été réduite la campagne électorale, à un moment où la dévaluation de la gourde, la flambée des prix, la vie chère entraînent la dégradation brutale des conditions de vie des classes populaires ; à une période où le banditisme, l’insécurité font rage, où des milliers de Dominicains d’origine haïtienne sont refoulés en Haïti et des centaines de milliers d’autres sont attendus dans les jours à venir, dans l’indifférence la plus totale du gouvernement Martelly-KPlim.

C’est une lapalissade de répéter que nos politiciens n’ont pas d’idées face aux problèmes de chômage, de vie chère, de logement, d’insécurité. Ils n’ont sur les lèvres que des promesses illusoires. Une fois élus, personne n’ignore ce qu’il advient de toutes ces promesses : « Je vote, tu votes, il vote, nous votons, vous votez, ils volent », une des nombreuses conjugaisons du verbe « voter » accouchées par des humoristes sur les réseaux sociaux.

Rien que pour les législatives, 2 029 individus, soit 1 767 à la députation et 262 au Sénat, avaient posé leur candidature pour trouver une place parmi les 20 sénateurs et 119 députés dont les postes sont à pourvoir.

Le nombre de prétendants, selon le CEP, était bien plus important à la fermeture du processus de préenregistrement en ligne. Plus d’une soixantaine de politiciens briguaient la présidence, avant la réduction de la liste à une cinquantaine par le CEP. Le pays n’avait jamais atteint ce record de candidatures. Mais la fièvre électorale est restée au sommet, au niveau des candidats et des 200 partis enregistrés. Elle n’a pas atteint la population pauvre, qui affiche une indifférence totale aux gesticulations de politiciens qui se battent en vue de se frayer une place au bord de la mangeoire.

Les travailleurs et les classes pauvres en général n’ont rien de bon à attendre des élections, qui resteront des péripéties sans importance et sans intérêt pour leur avenir tant qu’il n’existera pas de parti capable de se servir de cette tribune pour intervenir et y défendre les intérêts des classes laborieuses. »

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