Haïti 28 juillet 1915 : Le débarquement américain05/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2453.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti 28 juillet 1915 : Le débarquement américain

Dans son journal Voix des travailleurs, l’Organisation des travailleurs révolutionnaires (OTR-UCI) d’Haïti consacre un article à l’invasion du pays par l’armée américaine il y a cent ans, le 28 juillet 1915.

Les troupes de la marine américaine qui envahirent Haïti le 28 juillet 1915 allaient y rester pendant dix-neuf ans.

Elles n’intervinrent pas pour apporter la démocratie, non plus pour donner la sécurité à la population. Les États-Unis débarquèrent en Haïti parce que les guerres civiles auxquelles se livraient des groupes rivaux des classes dominantes haïtiennes pour le contrôle du pouvoir (quatre présidents en deux ans) mettaient en péril leurs intérêts dans le pays. Leur présence physique allait leur permettre de donner un coup d’accélérateur au contrôle de l’économie, à l’exploitation des masses paysannes pauvres et au pillage systématique des ressources naturelles qui existaient bien avant leur arrivée en 1915 par les grandons, les hauts gradés militaires et par une mince couche de l’aristocratie noire et mulâtre qui avait pris le pouvoir après l’indépendance d’Haïti. L’impérialisme américain voulait surtout s’assurer de sa pleine souveraineté sur ce bout de territoire.

En effet, alors que les puissances impérialistes européennes s’affrontaient à coups de canon dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, l’impérialisme américain en concurrence avec ses rivaux européens confortait sa domination en mettant le grappin sur les pays sud-américains et la Caraïbe et en y élargissant son influence, conformément aux doctrines de Monroe énoncées dès 1823.

La Caraïbe, champs clos des rivalités impérialistes

En effet, à la fin du 19e siècle, les impérialistes anglais, français et dans une moindre mesure allemands avaient une longueur d’avance sur la bourgeoisie américaine et s’étaient déjà partagé le monde en fonction du poids de leur économie. Mais les États-Unis avaient connu une croissance vertigineuse après la guerre de Sécession au point de devenir au début du 20e siècle la première puissance industrielle mondiale, presque exclusivement grâce au marché intérieur des États-Unis. Mais avec la croissance des forces productives, les limites nationales des États-Unis devenaient un carcan pour l’économie américaine qui, pour continuer de croître, allait afficher ses tendances impérialistes.

Les États-Unis imposent leur domination

Mais même en regardant près de chez eux, tous les territoires sud-américains étaient déjà occupés, soit par des puissances coloniales comme le Portugal ou l’Espagne, soit par d’autres puissances impérialistes comme l’Angleterre. Les USA n’avaient pas d’autre choix que la guerre pour conquérir de nouveaux marchés. Ainsi en 1898, ils déclarèrent la guerre à l’Espagne pour prendre d’assaut Cuba, Porto Rico et les Philippines. En 1902, ils arrachèrent le Panama des griffes de la Colombie. En 1904, la République dominicaine ne pouvant plus payer les intérêts de ses dettes à ses créanciers européens, Theodore Roosevelt expédia deux navires de guerre dans le port de Saint-Domingue, et imposa une convention par laquelle les États-Unis s’octroyaient le contrôle des douanes, dont 55 % des ressources seraient destinées au remboursement des créanciers étrangers. Un Américain fut nommé directeur des douanes et le contrôle des douanes de Saint-Domingue par les États-Unis n’allait prendre fin qu’en 1940.

Contre le Mexique, les États-Unis lancèrent une expédition entre 1914 et 1916. À côté d’Haïti, les troupes américaines s’installèrent pour vingt ans au Nicaragua, et pour huit ans en République Dominicaine.

Haïti faisait donc les frais comme tant d’autres pays de la région du système économique impérialiste dans sa version américaine du début du 20e siècle. Les classes exploitées payèrent le plus lourd tribut de cette intervention car en Haïti même, les USA surent trouver au sein de l’aristocratie haïtienne des relais de leur politique.

En Haïti, les milieux nationalistes qui prennent les devants pour commémorer cette date parlent des massacres des paysans pauvres par les soldats américains, mais c’est pour mieux mettre en avant les leaders politiques qui enrôlèrent ces paysans pauvres, et qui étaient des politiciens bourgeois.

Si on peut être solidaire de leur combat contre l’occupation américaine, il reste qu’ils n’étaient pas une alternative représentant les intérêts des classes pauvres. Après le départ des États-Unis, ce sont ces mêmes politiciens qui assurèrent l’exploitation de ces classes au profit des trusts américains, appliquant les mesures réactionnaires décidées par les militaires nord-américains avant leur départ. Ce furent des bourreaux de la population, à l’origine des premières répressions contre ceux qui se revendiquaient des idées marxistes.

Il ne faut pas seulement combattre l’occupation américaine, mais combattre l’impérialisme. C’est être du côté des travailleurs dans leurs luttes quotidiennes contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail dans les usines. C’est dénoncer tous ceux qui sont au service de la bourgeoisie et servent de relais à l’impérialisme, c’est se battre pour la construction d’un parti des travailleurs révolutionnaires dont les luttes devront se joindre à celles des travailleurs de Saint-Domingue, des petites Antilles et pourquoi pas des ouvriers américains, pour une lutte mondiale des travailleurs de la planète. Le mot d’ordre de Karl Marx : « Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! », est plus que d’actualité.

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