Éleveurs en colère face aux capitalistes de la distribution05/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2453.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Éleveurs en colère face aux capitalistes de la distribution

Si les éleveurs ont levé les nombreux barrages érigés entre le 19 et le 27 juillet, ils n’ont pas pour autant cessé leur mouvement. Chaque jour, ils mènent de nouvelles actions, barrages filtrants, opérations escargot, contrôle de la provenance de la viande dans les supermarchés ou les restaurants, etc. Ils veulent maintenir la pression sur la grande distribution et les industriels du secteur, pour les obliger à augmenter les prix auxquels ils achètent leur viande ou leur lait.

C’est en luttant avec ténacité depuis le mois de juin, en organisant la mobilisation collective à travers tout le pays, que les éleveurs ont forcé le gouvernement à intervenir. Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, a annoncé un plan d’aide de 600 millions d’euros, consistant en annulations ou reports de charges et de cotisations, ainsi que la mise à disposition de 500 millions supplémentaires de crédits bancaires.

En continuant leur mobilisation, les éleveurs essaient de faire plier les groupes capitalistes de la grande distribution, de la transformation du lait et de l’abattage. Ceux-ci respecteront-ils les différents accords signés, avec la médiation du gouvernement, pour l’augmentation du prix d’achat de la viande ou du lait ? Cela ne dépendra que du rapport de force que les éleveurs créeront et maintiendront dans le temps. Les capitalistes du secteur ne leur concèderont quelques centimes de plus par kilo de viande ou litre de lait que s’ils y sont obligés, et feront tout pour ne pas rogner leurs profits.

C’est ainsi que le groupe fromager Savencia (anciennement Bongrain, à la tête des produits Cœur de Lion, Caprice des Dieux, Elle & Vire, qui achète du lait à des milliers d’éleveurs), vient d’affirmer dans un courrier interne qu’il n’est pas lié par l’accord passé avec les éleveurs, car il ne commercialise aucun des produits concernés, packs de lait classiques, yaourts nature ou fromages premier prix.

En lutte contre des capitalistes parmi les plus importants du pays, les éleveurs ne peuvent que susciter la sympathie des travailleurs. Mais les intérêts des uns et des autres ne sont pas pour autant identiques. Si certains éleveurs croulent sous les dettes et vivent comme des ouvriers – 10 % des élevages, toutes filières confondues, seraient en difficulté financière – d’autres, comme Xavier Beulin, le président de la FNSEA, font partie du grand patronat. La plupart d’entre eux, en tant que propriétaires, se sentent davantage liés au patronat qu’au monde ouvrier, et ne se démarquent pas des revendications habituelles de celui-là, comme les baisses de charge pour « être plus compétitifs ».

Lors de leurs dernières actions, les éleveurs ont multiplié les « contrôles » dans les grandes surfaces. Mais il ne s’agit que de contrôler la provenance de la viande ou du lait et de saisir ou repérer par une étiquette les produits d’origine étrangère. Les éleveurs veulent ainsi sensibiliser la population au « consommer Français ». Ils accusent leurs concurrents allemands, brésiliens, polonais ou belges de pratiquer le dumping sur les prix et d’être en partie responsables de la crise du secteur. Mais est-ce vraiment le problème ? Non, et bien des éleveurs le savent, qui dénoncent les marges que les capitalistes de la filière appliquent, à chaque étape, entre le prix d’achat au producteur et le prix de vente en rayon. Pour savoir où se font précisément ces marges, quel niveau elles atteignent, ce ne sont pas les rayons de supermarchés qu’il faut contrôler, mais les comptes des groupes capitalistes du secteur.

La question du contrôle des comptes des grands groupes capitalistes se pose dans tous les secteurs de l’économie. Ce contrôle indispensable pourrait et devrait devenir un objectif commun, non seulement pour les éleveurs et les autres producteurs, mais pour tous les travailleurs et pour les consommateurs eux-mêmes.

Partager