À Calais, les dirigeants européens claquent la porte au nez de leurs victimes05/08/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/08/2453.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

À Calais, les dirigeants européens claquent la porte au nez de leurs victimes

Chaque nuit, à Calais, des centaines de migrants voulant gagner l’Angleterre tentent d’entrer dans les installations du tunnel sous la Manche. Malgré les policiers envoyés sur place, malgré barbelés et grillages, ils reviennent dix fois tenter leur chance et certains en meurent, renversés par un camion ou électrocutés.

Malgré leurs déclarations de fermeté, malgré des mesures de contrôle toujours plus délirantes, les gouvernements des deux côtés de la Manche ne peuvent faire cesser cette situation. Des politiciens en mal de démagogie comme le député de droite Xavier Bertrand dénoncent les autorités britanniques qui ne coopéreraient pas assez. D’autres, côté anglais, s’en prennent aux autorités françaises qui ne seraient pas assez répressives. Les deux gouvernements déclarent qu’ils feront front ensemble mais que le problème est européen et ne doit pas reposer sur eux seuls.

Les mêmes préféraient hier laisser l’Italie se débrouiller seule avec l’afflux de migrants arrivant de Méditerranée, et à Menton la police française refoule sans pitié ceux qui tentent de passer la frontière. Malgré leurs discours sur la solidarité européenne, les dirigeants français, anglais, allemands, italiens ou autres se rejettent mutuellement les responsabilités. Mais ils sont d’accord pour laisser ainsi des milliers de personnes vivre dans des conditions indignes.

Après avoir risqué leur vie sur des embarcations de fortune en payant leur passage d’un prix exorbitant, les migrants se retrouvent donc à errer sur le territoire européen, rejetés d’un pays à l’autre. L’attitude du gouvernement français est parmi les plus méprisables. Il ne laisse parvenir qu’une aide humanitaire dérisoire à des milliers de personnes, contraintes de survivre comme elles peuvent dans les bois autour de Calais.

Qu’ils soient Syriens ou Afghans, ou bien Érythréens, Soudanais ou ressortissants d’autres pays d’Afrique, les candidats à l’exil fuient des situations de guerre ou de misère extrême dans lesquelles les dirigeants américains, mais aussi européens, portent une grande part de responsabilité. Cela n’empêche pas les responsables de cette Europe forteresse de leur claquer la porte au nez et de traiter de façon ignoble ceux qui ont réussi à y entrer.

Pour des pays aussi riches que ceux d’Europe, accueillir chaque année de façon décente quelques centaines de milliers de personnes ne coûterait pourtant pas grand-chose, comparé aux sommes consacrées à subventionner leurs capitalistes ou à mener des guerres en Afrique ou au Moyen-Orient, comme le fait le gouvernement Hollande. Et les dirigeants européens osent encore déclarer que la vraie solution serait de développer l’économie dans les pays d’origine, alors que c’est justement leur politique qui y sème la désolation.

La situation dramatique des migrants de Calais, ou d’autres qui ailleurs s’entassent dans des camps de fortune, n’est encore qu’un pâle reflet de ce qui se passe à l’échelle de pays entiers. Les guerres au Moyen-Orient et en Afrique, la misère qui sévit dans toutes ces régions, ne produisent pas des milliers mais des millions de réfugiés. Ils trouvent asile dans les pays voisins, des pays pauvres qui n’ont rien d’autre à leur offrir que des camps de toile où ils devront survivre des années avec de maigres secours, une situation à laquelle quelques-uns tentent désespérément d’échapper en gagnant l’Europe.

À tout cela les dirigeants du monde capitaliste n’ont pas de solution car ils en sont les premiers responsables. Aussi ne savent-ils qu’hérisser les frontières de barbelés, voire de murs, pour empêcher les victimes de leur système d’entrer sur leur territoire.

Les migrants de Calais ne sont pas nos ennemis, ils sont nos frères. Non seulement parce que nous faisons partie d’une même humanité, mais parce qu’ils sont les victimes de la même société d’injustice. Beaucoup diront qu’il n’y a rien de commun entre l’exploitation que subissent les travailleurs en France et la situation désespérée où plonge la population de pays entiers en Afrique ou en Asie, mais c’est faux. Les travailleurs que l’on licencie ici, ou même les agriculteurs qui se plaignent de ne plus pouvoir vivre de leur travail, sont victimes d’un même système capitaliste qui, en obéissant à la seule logique du profit, rend la planète de plus en plus invivable pour la majorité de ses habitants. Un système économique et politique absurde, injuste, violent, inhumain, qu’il est de plus en plus urgent de renverser.

Éditorial des bulletins d’entreprise du 3 août 2015
 

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