Grèce, Espagne, Portugal, Allemagne, France… une même classe ouvrière22/07/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/07/2451.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Grèce, Espagne, Portugal, Allemagne, France… une même classe ouvrière

En forçant les Grecs, ou plus précisément le gouvernement que la population s’était choisi au travers d’élections régulières, à s’aplatir devant eux, les dirigeants des grands pays qui dominent l’Union européenne ont voulu donner une leçon, montrer qu’ils étaient les seigneurs et maîtres et que tous ceux qui osaient s’opposer à leur volonté seraient durement et impitoyablement châtiés.

Car, contrairement aux tombereaux de bobards que les politiciens et les commentateurs de tous bords ont déversés depuis des semaines, l’essentiel n’est pas dans cette dette que les Grecs, nous dit-on, ont creusée depuis des années, bien avant que Syriza et Tsipras accèdent au pouvoir. Plus encore qu’une question d’argent, le choix de ces grandes puissances est un choix politique.

Les mots utilisés, les prétextes invoqués pour justifier cette mise au pilori de la population grecque, sont destinés à nous enfumer. Ainsi, quand on parle de la dette grecque, de quels Grecs parle-t-on ? Des femmes de ménage, des travailleurs du port d’Athènes et des chantiers navals, des petits restaurateurs qui n’ont rien emprunté et encore moins bénéficié de ces emprunts ? Ou des armateurs, des actionnaires des groupes du BTP, du clergé, des Grecs riches, qui se sont d’ailleurs bien gardés de laisser leur magot dans leur pays ?

En fait, ce qu’on appelle la « dette grecque » a été largement remboursée, et plutôt dix fois qu’une, au travers des intérêts perçus par les banques américaines, allemandes, françaises. Et si on n’a pas entendu ici, en France, les actionnaires de la BNP, de la Société générale ou du Crédit agricole se plaindre d’avoir été saignés par la Grèce, c’est que leur bilan n’a jamais été aussi florissant grâce, entre autres, aux efforts fournis, à son corps défendant, par la population grecque.

Autre bobard entendu : les Espagnols, les Portugais et d’autres peuples auraient su faire des sacrifices permettant à leur pays de sortir la tête de l’eau. Une fois de plus, mensonge ! La majorité des Espagnols, des Portugais (tout comme les Grecs d’ailleurs) ont fait de très gros efforts, certes, mais pas de leur plein gré. Bien au contraire. Ce sont leurs gouvernements respectifs qui ont imposé des réductions massives de salaire à ceux qui avaient encore un travail, et une baisse dramatique des indemnités de chômage aux millions de femmes et d’hommes qui avaient perdu leur emploi ou qui n’en trouvaient pas. Ces gouvernements ont imposé des coupes drastiques dans les budgets destinés à l’école, à la santé, au logement. De ce fait, des centaines de milliers de familles de ces pays vivent aujourd’hui dans la pauvreté, et pour certains commencent à connaître la faim. Par contre, les banquiers et les industriels de ces pays n’ont jamais eu à sortir la tête de l’eau, pour la simple raison que, crise ou pas, ils ont confortablement surnagé, flottant sur leurs milliards.

En réalité, les discours des Merkel, Hollande, Sarkozy, ne sont pas destinés au seul peuple grec. Ils s’adressent à tous les exploités de tous les pays. Quand Sarkozy dit qu’en Grèce « on ne travaille pas assez », c’est un discours mille fois entendu, ici, en France dans la bouche des politiciens de droite, mais tout autant dans celle d’un Hollande, d’un Valls ou d’un Macron, d’un Gattaz ou de n’importe quel grand patron. Tous répètent qu’on ne serait pas assez compétitif, qu’il faudrait travailler plus dur pour un salaire moins élevé, que nous vivons au-dessus de nos moyens et qu’il faut savoir se serrer la ceinture.

Par-delà les frontières, on trouve d’un côté la coalition de ceux qui nous gouvernent, Merkel en Allemagne, Hollande en France, pour ne citer que ceux qui donnent le ton, et derrière eux ceux qui tirent les ficelles, les puissances financières, le patronat. Et de l’autre côté le camp des exploités, le camp des travailleurs. Ce qui réunit les premiers, c’est une même volonté d’imposer leur dictature sur les populations, afin de renforcer l’exploitation et la fortune des capitalistes.

Notre solidarité avec les classes populaires grecques ne se réduit pas à un simple geste de compassion. Car ce qui leur arrive, arrive d’une façon ou d’une autre à l’ensemble des travailleurs d’Europe. Les défendre, c’est nous défendre. Si la Grèce n’est qu’un petit pays, la classe ouvrière, rien qu’au niveau de l’Europe, rassemble des millions de femmes et d’hommes qui, par leur travail, font vivre et fonctionner toute la société. Elle représente une force énorme qui, seule, peut inverser le cours des événements.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 20 juillet 2015

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