Pasqua : mort d’un barbouze01/07/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/07/2448.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pasqua : mort d’un barbouze

Au lendemain de la mort de Charles Pasqua le 29 juin, François Hollande a salué sa mémoire. « Dans des conditions difficiles et éprouvantes, il a animé de toute sa personnalité la vie politique française », a-t-il dit. Manuel Valls n’a pas été en reste : « Voix originale et parfois controversée, Charles Pasqua incarnait une certaine idée de la France », a-t-il déclaré. Le Président et le Premier ministre socialistes rejoignent ainsi dans un concert de louanges posthumes Nicolas Sarkozy ou Florian Philippot du Front National.

La biographie de Charles Pasqua en dit long en effet, sur la « vie politique française » et « l’idée de la France » que ce triste personnage représentait. Il commença par adhérer au RPF, ce rassemblement anticommuniste fondé par De Gaulle en 1947, et dont le service d’ordre musclé agressait les militants du PCF jusque dans les quartiers ouvriers, tentant de leur interdire la rue.

En 1959, pendant la guerre d’Algérie, sous l’égide de De Gaulle, Pasqua créa le Service d’action civique (SAC), regroupant barbouzes, voyous et autres nervis, pour combattre l’OAS. Cet organisme survécut à la fin de la guerre et en 1968, Pasqua, son vice-président, s’en servit pour encadrer la manifestation gaulliste sur les Champs-Élysées et s’en prendre aux militants d’extrême gauche.

Entre 1986 et 1988, ministre de l’Intérieur du gouvernement Chirac, il s’illustra dans la répression du mouvement étudiant contre la loi Devaquet. Malik Oussékine, un jeune de 22 ans, fut matraqué à mort par ses « voltigeurs », un corps de policiers à moto chargés de poursuivre et de frapper les manifestants dans les rues. Il durcit d’autre part les conditions d’entrée et de séjour des immigrés par sa loi de septembre 1986, qu’il fit appliquer avec brutalité. Puis, redevenu ministre de l’Intérieur de 1993 à 1995 sous le gouvernement Balladur, il fut l’auteur d’une nouvelle loi contre l’immigration durcissant notamment les conditions d’acquisition de la nationalité française pour un mineur né de parents étrangers.

Toute sa vie, Pasqua monta des réseaux. Avec Jacques Foccard, il fut le maître d’œuvre de trafics louches où se croisaient les gouvernants français et africains, industriels et marchands d’armes, dans ce mélange peu ragoûtant qu’il est convenu d’appeler la Françafrique. Il fut ainsi impliqué dans une affaire de fournitures d’hélicoptères à l’Angola. Il écopa aussi d’un an de prison avec sursis pour détournement de fonds au préjudice d’une société d’exportation de matériel de sécurité. Ces affaires exotiques n’empêchaient pas les magouilles franco-françaises, comme le financement illégal de sa campagne européenne de 1999 grâce à la vente du casino d’Annemasse en Haute-Savoie, pour lequel il fut condamné à dix-huit mois de prison avec sursis. Pasqua, pourfendeurs des immigrés clandestins, se moquait bien de respecter la loi quand elle le concernait.

En tressant des lauriers à un homme qui a de tels états de service, Hollande, Valls ou Sarkozy montrent qu’ils ne sont pas dégoûtés. Et en effet il ne faut pas l’être, il faut même être prêt à tout comme l’était Pasqua quand on veut défendre ce qu’ils appellent « une certaine idée de la France », c’est-à-dire des intérêts du capital.

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