Le hareng de Mélenchon : des idées pas fraîches27/05/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/05/2443.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le hareng de Mélenchon : des idées pas fraîches

« L’Allemagne est, de nouveau, un danger. Le modèle est, une fois de plus, un recul pour notre civilisation. » « Dans la vie des nations, c’est souvent sur les vieilles cicatrices que s’ouvrent les nouvelles plaies. » « Périssent l’Allemagne, son “modèle” et ses grosses bagnoles. » Ces citations ne datent pas de 1914, elles sont extraites du dernier livre de Mélenchon : Le Hareng de Bismarck – Le poison allemand.

Les problèmes environnementaux ; la guerre en Ukraine ; la baisse des salaires et la montée du chômage dans toute l’Europe ; la mise en coupe réglée de la Grèce : à lire Mélenchon, la responsable de tout cela et de bien d’autres choses serait « l’Allemagne ». « La France » (« nous », écrit-il) ferait déjà partie des victimes de l’Allemagne sur les terrains économique et social, et la menace serait aussi militaire : « L’histoire a montré combien notre voisin mérite de précautions. Il nous a en effet envahis trois fois en moins d’un siècle » et « l’impérialisme allemand est de retour ».

Lorsqu’il n’invoque pas « ce pays malade à mort de l’esprit de système le plus étriqué et le plus méprisant du bon sens commun », Mélenchon a même une explication sociale : les retraités allemands qui ont souscrit des retraites par capitalisation. Les dirigeants allemands, au service de ces derniers paraît-il, seraient devenus « les comptables de la plus grande maison de retraite du monde » et « les maîtres de la civilisation européenne » qu’ils organiseraient « au profit des vieillards allemands ».

Quelles perspectives propose-t-il donc ? Pas les mobilisations populaires, puisque, la seule fois où il en est question, c’est pour signaler que l’auteur « doute que cela ébranle les certitudes des faces de pierre qui décident là-bas ». Mais, pour Mélenchon, être français, même pour un politicien de droite, « c’est déjà un programme en soi ». Il pare « le système du régime républicain français » de vertus protectrices pour les droits sociaux et démocratiques. La politique menée par les dirigeants français serait due à leur faiblesse et à l’influence du « modèle allemand ». Il faudrait donc « qu’un gouvernement français décide de rompre avec la soumission actuelle ».

Ce livre est un ramassis d’inepties chauvines, risibles lorsque l’auteur défend « les merveilles œnologiques françaises », et nauséabondes quand il adopte un ton guerrier. Présenter la France comme un pays dominé au même titre que la Grèce, alors que la bourgeoisie et les grands patrons français ont en Europe un rôle dominant aux côtés de leurs homologues allemands, cela est non seulement ridicule, c’est une façon d’exonérer les capitalistes et leurs valets au gouvernement de leur responsabilité dans l’austérité imposée aux classes populaires de tout le continent.

En France, en Allemagne, en Grèce, les travailleurs ont les mêmes problèmes, les mêmes intérêts et le même ennemi : la classe capitaliste. Mais Mélenchon préfère parler de nations que de classes sociales, et spéculer sur les vieux ressentiments antiallemands qu’il suppose exister chez beaucoup. Il sème une confusion qui servira peut-être ses intérêts de politicien, mais certainement pas ceux des travailleurs.

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