Bien entendu, s’agissant de Michelin, la direction n’a pas lésiné sur les moyens : lettre personnelle à chaque salarié l’incitant à aller voter et à bien voter, plusieurs articles élogieux sur les syndicats dans sa presse interne, incitation de la part de l’encadrement lors des réunions quotidiennes dans les ateliers, etc.

Pour ceux qui ont vécu la période précédente, pour les militants qui ont dû s’affronter aux directions des usines Michelin, à un patronat parmi les plus rétrogrades et les plus antisyndicaux du pays, il y a de quoi tomber à la renverse. Un militant qui a vécu cette époque l’a ainsi rappelée : « D’abord, les chefs exerçaient toutes sortes de pressions pour que les salariés des ateliers n’aillent pas voter au premier tour des élections ; quand le quorum n’était pas atteint, cela permettait à la direction de présenter des listes à elle lors du second tour. Dans certains secteurs, aller voter était déjà un acte militant. Ensuite, les délégués étaient parqués tous dans le même atelier, quel que soit leur syndicat, et circuler dans l’usine relevait du parcours du combattant. À chaque pas, nous étions arrêtés par les chefs et il fallait à chaque fois parlementer longuement. Discuter avec ceux qui étaient sur les machines nous était quasiment impossible. Et je ne parle pas des sanctions qui tombaient, ni bien sûr de l’absence de la moindre augmentation. »

La direction de Michelin a découvert, après bien d’autres, que des syndicats qui collaborent et qui, sous prétexte de « dialogue social » et de respect des partenaires sociaux, se transforment en relais de sa politique, peuvent être un avantage non négligeable. Et d’essayer maintenant de convaincre de sa bonne foi et de son « respect pour les institutions représentatives du personnel » !

La direction générale de Michelin n’avait pas dit le nom de ceux qu’elle estimait être de « bons syndicats », et s’était contentée de les suggérer fortement. Mais celle de Michelin Cholet a été moins prudente en demandant, lors des grandes messes annuelles où elle réunit tout le personnel, de voter pour la CFDT, la CGC, SUD, mais pas pour la CGT. Car la CGT de Michelin Cholet refuse toute collaboration avec la direction et mène la résistance contre ses projets.

Visiblement, elle n’a guère convaincu les travailleurs de voter suivant ses vœux : la CGT, qui faisait environ 40 % des voix lors de précédentes élections, a obtenu 60 % en ce mois de mars 2015.