Mineurs grévistes de 1948 : La haine tenace de l'État26/11/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/11/2417.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mineurs grévistes de 1948 : La haine tenace de l'État

La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a déposé un amendement à la loi de finances de 2015 qui devrait permettre d'indemniser 31 mineurs de charbon licenciés pour faits de grève entre 1948 à 1952.

Soixante-six ans après les événements, c'est peut-être l'issue d'un parcours du combattant judiciaire mené depuis 2008 par quelques mineurs encore en vie et leurs familles, pour faire reconnaître que l'État n'avait pas respecté leur droit de grève.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les Houillères avaient été nationalisées. Thorez, dirigeant du Parti communiste français, appelait les mineurs à gagner la « bataille du charbon » en renonçant à l'arme de la grève, et à se sacrifier au nom de la reconstruction du pays ; en fait, pour permettre à la bourgeoisie française de relancer ses affaires. Les travailleurs n'eurent aucune retombée des efforts imposés, au contraire même.

En septembre 1948, plus d'un an après que le PCF eut quitté le gouvernement, le ministre de l'Industrie et du Commerce, le socialiste Robert Lacoste, décréta le licenciement de 10 % des salariés des mines travaillant en surface. Des mesures disciplinaires contre les mineurs furent également prises, dont des licenciements pour absentéisme. En réponse, la grève menée par la CGT dura six semaines. Face à 300 000 grévistes en Lorraine et dans le Nord, le gouvernement envoya des milliers de CRS et même l'armée. L'état de siège fut décrété dans les villes minières et il y eut de violents affrontements, tuant six mineurs. La grève s'acheva par une défaite, mais la répression ne cessa pas. Il y eut 1 000 condamnations à des peines de prison, 3 000 mineurs furent licenciés pour faits de grève et atteinte à la liberté du travail, puis d'autres encore, jusqu'en 1952. Ils perdaient leurs droits, notamment la gratuité du charbon, leur logement, leurs indemnités de chômage... Inscrits sur des listes noires, des centaines d'entre eux restèrent sans travail pendant des années.

La bourgeoisie a la haine de classe tenace. En 2012, la Cour de cassation avait annulé une décision de justice reconnaissant le caractère discriminatoire et abusif du licenciement de 17 mineurs. Aujourd'hui, Taubira évoque 31 mineurs et ayants droit qui pourraient bénéficier d'une réparation grâce à son amendement.

Il paraît que François Hollande aurait réservé un accueil bienveillant à cet amendement. Mais reconnaître les torts des ministres socialistes de 1948 ne l'a pas empêché d'envoyer lui aussi les CRS contre des travailleurs en grève, comme en 2013, contre ceux d'Aulnay.

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