Irlande : Au nom de Dieu et de la morale des possédants11/06/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/06/une2393.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irlande : Au nom de Dieu et de la morale des possédants

Les travaux d'une historienne irlandaise, Catherine Corless, ont révélé récemment que les restes humains entassés dans une fosse à Tuam, dans le comté de Galway en Irlande, étaient ceux de 796 bébés ou jeunes enfants morts entre 1925 et 1961 au sein du « Mother and baby home » Sainte-Marie de la ville. Les corps des enfants entassés, dans une fosse septique, n'avaient pas été inhumés normalement car les bébés, nés hors mariage, n'avaient pas été baptisés ! Mais plus encore que dans leur mort, l'horreur réside dans la vie de ces enfants nés dans ces institutions gérées la plupart du temps par des religieuses.

L'Église catholique, un des piliers de l'État bourgeois irlandais, déléguait jusqu'à une période récente à des congrégations de religieuses l'encadrement et le fonctionnement de prétendus refuges pour jeunes mères célibataires, souvent pauvres. Ces Mother and baby homes étaient en fait des lieux de maltraitance et d'esclavage destinés à enterrer vivantes des jeunes filles « en état de péché » et leurs enfants, à les dissimuler aux yeux de la société bourgeoise bigote. Accessoirement, nombre de ces emmurées fournissaient, leur vie durant, du travail gratuit dans les fameuses « blanchisseries Madeleine », dépeintes en 2002 dans le film « Magdalene Sisters ».

Le scandale mis au jour à Tuam n'est pas un cas unique : d'autres « homes », généralement aux mains de congrégations religieuses, ont été recensés, en dépit de l'influence de l'Église catholique et du silence complice des autorités étatiques dans l'Irlande des années 1920 à 1970, maintenu depuis. Des rapports de l'époque, exhumés avec bien des difficultés par des particuliers à la recherche de leur passé ou de celui d'un proche disparu, attestent du mépris inhumain avec lequel ces enfants étaient traités. La mortalité infantile atteignait 25 ou même 50 % dans certains « homes » et certaines années, d'après des rapports hospitaliers.

À Castlepollard (Meath), à Bessborough (Cork), à Sean Ross Abbey - où fut enfermée Philomena Lee, contrainte d'abandonner son fils à l'adoption d'un couple américain - , à Roscrea (Tipperary), des rapports ont révélé l'existence de tels établissements, ouverts dans les années 1920 ou 1930. Certains ont été ouverts aussi par l'Église protestante et trois autres, parmi ceux répertoriés, par les autorités locales elles-mêmes.

L'inhumanité de ces institutions, auxquelles les victimes survivantes réclament toujours excuses et indemnisations, n'a malheureusement rien à envier à celle des orphelinats écossais fournisseurs de main-d'oeuvre gratuite pour les fermiers ou à celle des autorités françaises qui ont « importé » de force 1 630 enfants réunionnais arrachés à leur famille dans les années cinquante pour travailler dans les fermes creusoises.

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