Inde : Élections législatives, le miroir d'une société barbare07/05/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/05/une2388.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Inde : Élections législatives, le miroir d'une société barbare

Commencées le lundi 7 avril les élections législatives indiennes se termineront le 12 mai et leurs résultats orienteront la composition du gouvernement central. Ce serait « le plus grand scrutin du monde pour la plus grande démocratie de la planète » a-t-on entendu. Mais il y a beaucoup à dire de cette « démocratie ».

En bon représentant de commerce en avions Rafale et autres centrales nucléaires, le président Hollande, en visite dans le pays en février 2013, avait salué « la plus grande démocratie du monde ». Mais s'il avait amené dans ses bagages une soixantaine de grands patrons, il avait demandé à la ministre des Droits des femmes de rester en France. Ce simple fait en dit plus long sur la réalité des libertés en Inde que tous les ébahissements hypocrites devant les 814 millions d'électeurs appelés à se rendre aux urnes.

Misère et violence contre les classes pauvres

L'Inde est un pays où la concentration extrême des richesses - avec plus de milliardaires qu'au Japon ou en Grande-Bretagne - côtoie un océan de misère. Plus des deux tiers des habitants survivent avec moins de deux dollars par jour. La faim touche une bonne partie de la population, en particulier les enfants, dont plus de 40 % ont un poids insuffisant. L'illettrisme d'un tiers de la population, l'absence d'électricité ou d'eau courante dans la majorité des habitations, tout témoigne d'une immense misère sociale qui pousse chaque année des dizaines de milliers de paysans au suicide.

La violence fait partie du quotidien des masses pauvres : celle à l'encontre des minorités religieuses victimes de pogroms sanglants ; celle à l'encontre des membres des basses castes traités comme des sous-hommes ; celle à l'encontre des femmes réduites au servage, vendues lors de mariages arrangés, abusées par tous et le plus souvent en toute impunité par les propriétaires terriens ou les fils de bonne famille ; celle à l'encontre des travailleurs soumis à une exploitation féroce qui s'apparente à de l'esclavagisme dans les milliers d'ateliers des bidonvilles et des campagnes ; celle à l'encontre des grévistes bastonnés par la police ou les milices patronales, des syndicalistes condamnés à de longues peines de prison sous les prétextes les plus futiles par une justice aux ordres.

Les masses pauvres paient chèrement le ralentissement de l'activité économique en Inde depuis l'aggravation de la crise en 2008. Elle s'est traduite par une dégradation brutale des conditions de vie : reprise de l'inflation, en particulier des produits alimentaires de base ; suppression des aides les plus indispensables à la population ; licenciements massifs dans l'automobile ou le textile ; baisses de salaires déjà misérables. La précarité touche désormais les deux tiers des salariés, même dans les plus grandes entreprises du pays, et l'immense masse des pauvres ne connaît aucun travail régulier. Voilà quels sont les « droits » dont jouissent, au quotidien, la grande majorité des Indiens.

Le règne de la corruption

Même vis-à-vis du pouvoir et de l'administration, les droits réels de la population se réduisent à peu de choses. Le moindre papier administratif ne s'obtient qu'à l'aide de pot-de-vin. Les scandales éclaboussent jusqu'au Premier ministre accusé d'avoir touché de l'argent en échange de concessions minières. Il n'y a pas un programme étatique, de la construction d'infrastructures aux aides alimentaires destinées à nourrir les paysans affamés, qui n'ait fait l'objet de détournements massifs.

Du côté des candidats à la députation, le spectacle est à l'avenant. En moyenne, la fortune d'un parlementaire triple lors d'une législature. Le tiers des députés sortants est accusé de crimes allant de la fraude électorale au meurtre. Parmi les candidats en lice, un dixième est accusé de crimes comme des viols ou des meurtres. La corruption des électeurs est massive, systématique et organisée par les partis pratiquement au grand jour. Pour bien des miséreux, l'élection est l'occasion de recevoir un repas chaud, un peu de whisky ou un petit billet en échange du vote voulu. Depuis l'annonce du calendrier électoral début mars, la commission électorale a déjà saisi 32,5 millions de dollars en petites coupures et 2,7 millions de litres d'alcool dans le cadre de perquisitions dans les locaux des partis.

Les deux grands partis qui se disputent les suffrages des électeurs assument depuis longtemps une part du pouvoir. C'est le cas à l'heure actuelle au niveau de certaines régions pour le BJP, le parti de l'extrême droite hindoue, et au niveau de l'État central pour le parti du Congrès qui tient l'essentiel des rênes du pays depuis l'indépendance. Les résultats des élections législatives changeront sans doute pour leurs dirigeants la vitesse et l'ampleur des richesses qu'ils mettront de côté. Mais ils ne sont en rien susceptibles d'améliorer le sort des masses indiennes.

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