20 ans d'Eurotunnel : Trou sous la Manche... et dans bien des poches07/05/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/05/une2388.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

20 ans d'Eurotunnel : Trou sous la Manche... et dans bien des poches

Le tunnel sous la Manche a vingt ans. Grand projet utile, inauguré le 6 mai 1994, il n'a pas fait des trous que sous la Manche.

La construction a été décidée en 1981. Les pouvoirs publics ont fait le choix de faire appel au privé, mais si les bétonneurs ont raflé la mise, les petits actionnaires, eux, ont perdu la leur. L'action que le Trésor public présentait comme un placement de père de famille, aux rendements élevés, s'est effondrée. La facture des travaux a doublé par rapport aux prévisions, des dépassements qui n'ont pas été perdus pour Bouygues, Dumez et compagnie. Mais ils ont alimenté la dette colossale qui a plombé la société, une dette détenue en partie par les banques à l'origine du projet, Crédit Agricole, BNP et des banques anglaises, et qui est passée aux mains de fonds d'investissements spéculatifs.

Quelques années après, le montant de l'action était divisé par 40. Les petits actionnaires, qui avaient cru participer à un grand projet en y gagnant de l'argent, se sont fait rouler dans la farine. Le capitalisme est dur, surtout avec les naïfs qui croient en ses vertus !

En 2000, une opération financière sur fond de délit d'initiés a permis au Crédit Lyonnais, à la Société de banque suisse et au fonds du spéculateur George Soros de revendre leurs actions pour les racheter beaucoup moins cher ensuite. La colère des petits porteurs, qui ne faisaient pas partie des initiés, avait permis à l'affairiste Nicolas Miguet, proche de l'extrême droite, de se faire leur interprète. S'il n'avait été interdit de gestion après une condamnation pour « escroquerie, vol et abus de biens sociaux », il aurait même pu prendre la tête de la société. Mais c'est Goldman Sachs qui a racheté le titre au plus bas et profite aujourd'hui de la santé revenue d'Eurotunnel.

Les travailleurs n'ont pas été épargnés par ces déboires financiers, les payant par des centaines de suppressions d'emplois, des réorganisations, l'aggravation des conditions de travail des travailleurs en fixe ou des sous-traitants, nombreux sur le site. Des risques ont été pris également avec la sécurité. C'est ainsi que « l'ancien puits sans fond est en train de se transformer en machine à cash » comme dit un journaliste. L'entreprise verse des dividendes. Que demander de plus dans cette société où l'argent est roi ?

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