Allemagne : Le salaire minimum, un progrès ?18/12/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/12/une2368.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Le salaire minimum, un progrès ?

Près de trois mois après les élections, les deux principaux partis gouvernementaux, CDU (droite) et SPD (sociaux-démocrates), ont présenté leur contrat de gouvernement de « grande coalition », au sein duquel l'introduction d'un salaire minimum est présentée comme la grande mesure en faveur des travailleurs.

Ces dernières années, pour tenter d'enrayer un peu la baisse des salaires, des syndicats ont négocié des salaires minimums de branche. Mais il n'existe pas en Allemagne de salaire minimum généralisé, qui s'appliquerait dans tout le pays et pour tous les salariés.

Dans certains secteurs et dans les régions les plus pauvres, de nombreux travailleurs, par exemple dans le ménage, la sécurité, l'hôtellerie, la coiffure ou la restauration, touchent des salaires de misère, parfois entre trois et cinq euros de l'heure. Moins de cinq euros, c'est aussi ce que gagnent bien souvent les ouvriers détachés qui, venus de Pologne ou de Roumanie, triment dans le bâtiment, les abattoirs ou boucheries industriels, souvent dix à douze heures par jour dans des conditions très dures, dormant entassés dans des logements insalubres et minuscules, pour lesquels le patron prélève encore une bonne partie de la paye. Dans ces conditions et au vu des scandales soulevés par le sort de certains ouvriers, la revendication d'un salaire minimum est présente dans le débat public depuis des mois.

À première vue, le contrat de coalition prévoit que dans un an, en janvier 2015, le salaire minimum pour l'ensemble du pays devienne obligatoire. Mais ce sera un mini-salaire minimum à 8,50 euros brut de l'heure.

Or, dans les branches qui ont récemment introduit un smic, il est pratiquement partout plus élevé. C'est dire la déception des ouvriers de ces secteurs, qui attendaient de la mesure un petit coup de pouce pour eux aussi.

Ce smic permettra-t-il au moins d'améliorer la situation des travailleurs les plus pauvres ? Même cela n'est pas sûr, car les branches qui ont trouvé en 2013 ou trouveront en 2014 un syndicat pour signer une convention collective pourront par là même se soustraire à la nouvelle loi et au smic pendant deux années supplémentaires. En clair, le salaire minimum ne devrait s'appliquer vraiment qu'à partir de 2017, dans trois ans !

Et surtout, il semble que des dérogations soient d'ores et déjà promises au patronat dans certains métiers, où il aurait le droit de continuer à payer en dessous du salaire minimum, même après 2017. Et cela précisément dans des domaines où les travailleurs sont particulièrement exposés, mal payés, et auraient particulièrement besoin d'un smic.

Même pour les secteurs qui ne sont pas dérogatoires, et bien que le smic sera inscrit dans la loi, rien ne vaudra la mobilisation des travailleurs, ne serait-ce que pour le faire respecter. Pour preuve : lorsqu'un salaire minimum de branche a été introduit dans le ménage en 2007, des patrons ont licencié des femmes de ménage et augmenté la surface horaire à nettoyer. Au lieu d'être mieux payées, elles doivent travailler encore plus vite, ou faire des heures supplémentaires non payées.

Alors, pour que ce salaire minimum ne puisse pas être utilisé comme une nouvelle arme contre les travailleurs, un prétexte pour intensifier le rythme de travail ou imposer un gel des bas salaires (en attendant que le salaire minimum les rattrape), en un mot pour qu'il puisse représenter une avancée, il faudra que les travailleurs se défendent et imposent eux-mêmes des augmentations de salaire.

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