Grande-Bretagne : La montée des emplois « zéro-heure »18/09/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/09/une2355.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : La montée des emplois « zéro-heure »

Une grève démarrée le 28 août par les 300 ouvriers de l'usine Hovis de Wigan, dans le nord de l'Angleterre, a reçu une couverture médiatique inhabituelle. Sans doute cela tient-il à ce que ces ouvriers fabriquent un pain industriel universellement connu dans le pays et que, chose rarissime, au lieu des sempiternels débrayages de quelques heures, ils ont choisi de faire trois semaines de grève reconductible. Mais c'est surtout leur principale revendication qui leur a valu l'attention des médias : la conversion de tous les emplois zéro-heure en contrats permanents à temps défini.

Zéro-heure = zéro droit

Le maigre droit du travail britannique a toujours permis aux patrons d'employer des salariés sans minimum d'heures de travail ni de revenu. C'est ce que l'on appelle les emplois zéro-heure, pour lesquels sont seuls garantis (au moins en théorie) le taux horaire et la tâche.

Pendant longtemps ce type d'emplois a servi dans des secteurs comme le bâtiment, où les patrons voulaient pouvoir ne pas payer des travailleurs, tout en les obligeant à rester sur le lieu de travail. La loi sur le salaire horaire minimum de 1997, qui considère une heure passée sur le lieu de travail comme travaillée, mit fin à cette pratique. Mais, par la suite, la politique de précarisation du travail sous Blair a redonné vie à ces emplois.

Aujourd'hui, les salariés zéro-heure n'ont plus à rester sur le lieu de travail lorsqu'il n'y en a pas, mais ils peuvent être renvoyés chez eux sans salaire à tout moment au gré du patron. Inversement, certains emplois zéro-heure font obligation au salarié de faire toutes les heures qui lui sont demandées. Mais ils sont rares, car non seulement ils doivent faire l'objet d'un contrat individuel écrit portant cette clause, mais surtout, en contrepartie, les patrons doivent reconnaître à ces travailleurs certains congés (annuels, maladie, parentaux) qu'ils cherchent à éviter.

La grande majorité des emplois zéro-heure sont régis par des contrats oraux ou collectifs (il suffit que leurs termes soient affichés dans un coin obscur, sans obligation de porter ces termes à la connaissance du salarié) qui donnent le droit aux travailleurs de « choisir » de faire ou non les heures proposées, mais les privent des congés mentionnés ci-dessus. Bien sûr, ce « choix » est illusoire : le patron peut toujours menacer un travailleur de le priver de travail pendant des semaines s'il refuse des heures.

Enfin, si le salarié zéro-heure doit demander l'autorisation explicite de son employeur pour prendre un second emploi, en revanche son employeur n'a aucune obligation à son égard, même pas celle de lui donner la préférence sur un intérim ou un sous-traitant extérieur pour faire le même travail.

Un couteau suisse de l'exploitation

Comme toutes les formes de précarité, les emplois zéro-heure servent, entre autres, à tourner les quelques droits reconnus par le code du travail. En particulier, évidemment, le salaire minimum, puisque les zéro-heure font les frais des « bas » circonstanciels de l'activité, en lieu et place de l'entreprise.

Ces emplois permettent aussi de contourner la loi sur la semaine de 48 heures (héritée d'une directive européenne) : ce maximum étant calculé comme une moyenne sur une période de 17 semaines, rien n'empêche un patron de faire faire 60 heures par semaine à ses zéro-heure pendant trois semaines et 5 heures pendant les 14 autres. Au total, la moyenne de 48 heures n'aura pas été dépassée, le patron n'aura pas eu à payer de majoration horaire pour heures supplémentaires, de nuit ou de week-end (les zéro-heure n'y ont pas droit) et il sera même exonéré de charges sociales, parce que le salaire total versé sera inférieur au plancher au-dessus duquel il devrait en payer !

Enfin, parmi les avantages des emplois zéro-heure les plus prisés par les entreprises, il y a le fait qu'ils leur fournissent leur propre « armée industrielle de réserve », pratiquement corvéable à merci, sans que cela leur coûte un penny, et que chacun de ces salariés se trouve la plupart du temps isolé des autres et donc d'autant moins susceptible de participer à des activités collectives, syndicales entre autres.

La montée des emplois zéro-heure, tout comme celle du travail précaire en général, explique par ailleurs le niveau relativement faible du chômage en Grande-Bretagne par rapport aux autres pays riches. Ce fait, combiné aux avantages que ces emplois présentent pour les entreprises, signifie que les promesses actuelles, tant du gouvernement que du Parti travailliste, d'en « éliminer l'utilisation abusive » ont bien peu de chances de se matérialiser un jour – en tout cas pas sans que la classe ouvrière donne un grand coup de pied dans la fourmilière de l'exploitation capitaliste.

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