EDF : « faibles » doses d'irradiation et forte dose de responsabilité18/09/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/09/une2355.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

EDF : « faibles » doses d'irradiation et forte dose de responsabilité

Le 27 août, EDF a été condamnée par le tribunal des affaires de Sécurité sociale d'Orléans pour « faute inexcusable » après le décès quatre ans plus tôt d'un agent EDF de la centrale nucléaire de Dampierre, victime d'un cancer du poumon.

Pendant plus de trente ans, celui-ci a été exposé à des rayonnements jusqu'à atteindre une dose totale de 54 millisieverts. La direction d'EDF était consciente du danger, mais n'avait pris aucune mesure pour le protéger.

EDF s'est défendue en arguant que la dose reçue était très faible, 1,8 millisievert par an en moyenne, alors que la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) recommande depuis 1990 pour les travailleurs du nucléaire un seuil annuel d'exposition de 20 millisieverts.

En réalité, il n'existe aucune preuve scientifique que le seuil de 20 millisieverts soit suffisamment protecteur.

Mais baisser significativement le seuil d'exposition, à un millisievert par an par exemple, impliquerait pour les trusts de l'énergie de faire appel à bien plus de personnel ou de mettre en place des systèmes de protection contre les rayonnements plus onéreux. Autant dire que l'intérêt des trusts ou des États est de tout faire pour empêcher l'établissement d'un lien statistique entre « faibles » doses d'exposition et apparition de cancers.

Il y a une vingtaine d'années, Ellen Imbernon, médecin du travail, était chargée d'élaborer des enquêtes sur les risques pesant sur le personnel des centrales nucléaires. En 1996, la direction d'EDF sentant le danger de laisser les mains libres à des chercheurs décida de placer sa division épidémiologie sous le contrôle de la hiérarchie et non des médecins. Ellen Imbernon refusant de laisser la direction mettre la main sur les données brutes de ses enquêtes fut licenciée.

Ces dernières années, la pression à la rentabilité s'est aggravée, relâchant les exigences de sécurité et de sûreté, dégradant les conditions de travail, et de plus en plus de salariés des centrales rejoignent leur poste avec la peur de recevoir des doses de radiations, comme on peut le voir dans le film Grand central sorti il y a peu sur les écrans, qui traite avec beaucoup de réalisme des conditions des sous-traitants du nucléaire.

Les 28 000 sous-traitants qui réalisent 80 % des tâches de maintenance dans les centrales prennent des doses, qui s'accumulent au cours du temps. Lorsqu'il y a une exposition accidentelle, elle est souvent inférieure au seuil des 20 ou 50 millisieverts admis pour une année. La direction d'EDF ou les autorités de sûreté nucléaire parlent alors de « faible contamination » et classent l'affaire, comme si cette exposition était anodine. Si les dosimètres des sous-traitants dépassent le seuil réglementaire, ils perdent leur travail. EDF se lave alors les mains des conséquences.

Réduire le risque d'exposition des travailleurs aux rayonnements, mettre en œuvre un véritable suivi médical, réaliser des études épidémiologiques indépendantes et imposer un véritable contrôle sur les installations et une transparence totale sur les conséquences de la production nucléaire, cela ne dépend malheureusement pas d'une simple décision de justice, même si celle qui vient d'être rendue fait plaisir et peut faire jurisprudence.

La population et les travailleurs devraient avoir un contrôle sur le mode de production nucléaire de l'électricité et sur ses conséquences pour eux. Mais il faudra l'imposer à une direction qui n'en veut à aucun prix.

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