Syrie : Derrière l'affaire des armes chimiques, l'intervention des puissances impérialistes11/09/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/09/une2354.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Syrie : Derrière l'affaire des armes chimiques, l'intervention des puissances impérialistes

Quelques heures avant qu'Obama ne s'adresse au Congrès américain pour défendre la nécessité de frapper militairement le régime de Bachar el-Assad, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a proposé de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle international. Le régime syrien, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a salué cette initiative. Obama, de son côté, a déclaré que « cela pourrait constituer une percée importante ». La proposition russe pourrait constituer la base d'un compromis, et en tout cas de longues discussions, qui auraient l'avantage de permettre aux protagonistes de reculer devant une escalade militaire sans avoir l'air de perdre la face.

Du côté américain, le gouvernement ne tient pas à s'engager dans une intervention militaire, même limitée à des bombardements aériens. Du côté syrien, pendant que l'on discutera longuement de l'usage ou non des armes chimiques, rien n'empêchera l'armée d'Assad de continuer à bombarder les populations syriennes avec des bombes « classiques », dont aucun accord international ne proscrit l'usage. Du côté des rebelles syriens, on continue à ne pas nous dire grand-chose de qui ils sont, de qui les arme et de leur comportement vis-à-vis des populations.

La guerre civile va donc continuer en Syrie, avec son lot de morts et de blessés, de destructions et d'atrocités. Mais ce que démontre toute cette mise en scène diplomatique, c'est que cette guerre est devenue depuis longtemps un affrontement, par milices et régime interposés, entre les différentes puissances, régionales ou mondiales.

Les puissances impérialistes et le régime d'Assad

Quand les premières manifestations contre le régime d'Assad ont eu lieu, les dirigeants impérialistes se sont contentés de rester dans une prudente expectative. Qu'Assad soit un dictateur aux méthodes sanguinaires, ce n'était pas cela qui pouvait gêner les représentants de l'impérialisme américain, qui ont soutenu et soutiennent bien des dictatures aux quatre coins du monde, en particulier au Moyen-Orient.

Il est vrai que le régime d'Assad, nationaliste arabe, est historiquement lié à la Russie – et avant à l'URSS –, auprès de laquelle il a trouvé un appui pour garder une relative autonomie vis-à-vis de l'impérialisme. Mais il a aussi toujours su montrer son respect, et même son utilité, pour le maintien de l'ordre impérialiste dans la région.

Quand il est apparu que le régime syrien ne parvenait pas à mettre fin à la contestation, voire qu'il pouvait s'écrouler, les dirigeants occidentaux n'en ont pas moins cherché, du côté des insurgés, quelle alternative à Assad pouvait se présenter. Ils ont laissé certains de leurs alliés, comme la Turquie, l'Arabie Saoudite et le Qatar, acheminer des armes et des combattants en Syrie. Ces régimes tentaient par cet intermédiaire de régler son compte à un régime qui est pour eux un rival. Mais ce faisant ils ont contribué à renforcer des milices échappant à leur contrôle. Les combattants de groupes islamistes jouent un rôle de plus en plus prééminent au sein de l'opposition syrienne dans la guerre civile. Quand ce ne sont pas des bandits purs et simples, comme l'a décrit un journaliste italien enlevé par ceux-ci et récemment libéré.

La logique de la guerre

Les dirigeants impérialistes se trouvent donc maintenant face à un dilemme : si le régime d'Assad gagne la guerre civile, ce sera pour eux et leurs alliés un revers. Mais si les rebelles gagnaient, le pouvoir qui s'installerait à Damas pourrait être un ramassis de partis islamistes incontrôlables. Alors que faire ? Visiblement, le parti pris depuis des mois est tout simplement de permettre à la guerre de continuer, en faisant arriver des armes aux rebelles quand le rapport de forces leur devient trop défavorable, et de temps en temps en tapant du poing face au régime d'Assad comme cela vient de se produire dans l'affaire des armes chimiques.

Ainsi, après avoir collaboré pendant des années avec le régime d'Assad, les dirigeants impérialistes apportent maintenant leur propre contribution à une guerre civile qui laisse un pays détruit, divisé entre différentes bandes armées, et un peuple pris en étau entre les exactions de groupes islamistes et une dictature qui apparaît maintenant à beaucoup comme la moins mauvaise des solutions. Si tout cela mène la Syrie quelque part, c'est à un chaos analogue à celui qui règne déjà en Irak, en Afghanistan et ailleurs. Le « printemps arabe » et les premières manifestations du début de 2011 ouvraient-elles une possibilité pour le peuple syrien de sortir de décennies de dictature et d'oppression ? En tout cas, le régime d'Assad ne lui a pas laissé cette chance ; mais de leur côté ni les puissances voisines, ni les grandes puissances, puissances impérialistes en tête, ne lui en ont laissé. Toute la mise en scène autour de l'affaire des armes chimiques ne suffira pas à masquer leur responsabilité.

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